COMMUNAUTÉS – L’Amicale des Arméniens de Draguignan

Le champ d’action reste grand ouvert devant l’Amicale des Arméniens de Draguignan et des environs, qui avait connu une période plus faste il y a quelques décennies, malgré une motivation toujours intacte, dans un environnement pourtant propice à l’assimilation. Mais, l’équipe dirigeante de l’association dracénoise est prête à lancer ce nouveau défi, autour de son président Gérard Béroud pour tenter de donner à une communauté évaluée à un millier d’individus environ, dans ce district varois (soit 400 familles peut-être), un véritable sens à l’identité arménienne, à sa particularité et surtout pour créer une réelle fraternité entre ces Arméniens, à la recherche de leurs traditions culinaires, artistiques et historiques. L’existence d’un lieu de rencontre aurait constitué bien sûr un atout supplémentaire pour l’Amicale pour archiver par exemple ses documents, pour se réunir dans une ambiance conviviale, pour débattre sur l’évolution géopolitique actuelle de l’Arménie, sans oublier la possibilité d’ouvrir une classe aux enfants pour l’apprentissage de la langue et de l’histoire arméniennes.

Une partie des responsables de Draguignan (Gérard Béroud en polo rouge)

Certes, les activités culturelles et festives continuent à être organisées par l’Amicale qui rassemble à chaque fois de nombreuses familles heureuses de se retrouver, mais également pour rendre hommage à nos aïeux victimes du génocide de 1915-1923, lors des soirées dédiées au chanteur Charles Aznavour, véritable ambassadeur des Arméniens, à l’occasion d’expositions de peinture au profit des blessés de la guerre turco-azéro-arménienne de 2020, l’organisation de rencontres avec des artistes comme le réalisateur Robert Guédikian ou des lotos à thèmes, la célébration du Noël arménien en invitant généralement un religieux de la paroisse de Nice (parfois de Marseille selon les affinités), etc. Depuis le 13 janvier 1966, date de la création de l’Amicale, que de chemin parcouru à Draguignan, comme l’inauguration de la rue d’Arménie dans le centre-ville, grâce aux démarches rondement menées par l’une de ses adhérentes, Irène Adjémian, dont sa fille Corinne Latière continue à s’investir pleinement aujourd’hui dans l’association. Bien sûr les sacrements familiaux (baptêmes, mariages et funérailles) ne sont pas en reste puisqu’ils sont célébrés dans une chapelle presque oubliée à NotreDame du Peuple.

La rue d’Arménie à Draguignan

L’autre priorité des Arméniens de Draguignan est de nouer à nouveau des liens avec la municipalité, afin de concrétiser notamment la charte d’Amitié, qui avait été signée le 14 décembre 2002 pour la transformer en un pacte de jumelage avec Malatia-Sébastia en Arménie, afin de pouvoir développer davantage une solidarité avec ce district de 140.000 habitants situé au sud-est d’Erevan. Ce rapprochement avec l’Arménie a été relancé 15 ans plus tard par la signature le 25 mars 2017 d’un pacte d’amitié franco-arménienne des vignerons avec la ville d’Aréni. Il existe également une autre association « Draguignan-Arménie » visant à faire des échanges culturels, sportifs, économiques et éducatifs entre le Var et ce pays du Caucase.

Un passé centenaire

Quarante à cinquante familles arméniennes s’étaient installées à Draguignan, au milieu des années 1920 de façon durable – surtout dans les quartiers de la place aux Herbes et de la rue de Trans –, avec une urgence, celle d’ouvrir des boutiques de confection et de fabrication de chaussures, deux activités très prisées dans cet ancien chef lieu du département du Var, comptant alors moins de 10.000 habitants. La préservation de leur identité demeurait secondaire et leur situation sociale devenait stable et pratiquement assurée. Au début de 1928, un groupe de patriotes décide néanmoins de louer un local où seront dispensés des cours de langue arménienne mais aussi un autre lieu pour se retrouver grâce à la création d’une amicale chargée d’organiser des fêtes communautaires. A cette époque une autre colonie arménienne d’une quinzaine de familles s’installe à Bargemon, commune située à moins d’une vingtaine de kilomètres au nord-est de Draguignan, célèbre par ses ateliers de cordonnerie.

La sculpture de Toros à Draguignan

En 1932, l’association loue un appartement pour agrandir la classe qui accueille alors une vingtaine d’enfants, placée sous la responsabilité de Khënguéni Ananikian (après la Seconde Guerre, le nombre des élèves atteindra la trentaine avec Zareh Rafaëlian comme instituteur : tous les frais étant à la charge de Krikor Lorénian) et une chapelle pour les sacrements familiaux grâce à un prêtre itinérant de Nice. Une équipe de football, regroupant 27 licenciés, est créée et s’affilie au Homénetmèn, ainsi qu’une petite section très discrète d’un parti politique  parmi une communauté d’un peu plus de 300 éléments. L’année suivante, ce chiffre tombe à 250 personnes, originaires d’Enguri (district de Tokat dans la province de Sébaste), d’Amassia (dans le Sébaste) et d’Adapazar (dans les environs d’Izmit), contestées dans leurs actions par le HOC (Comité de secours pour l’Arménie) qui réagit vivement  à chaque fois que le tricolore arménien flotte aux côtés de la scène lors des représentations théâtrales ou des soirées musicales. Durant ces dernières décennies, les fêtes champêtres ont rassemblé des centaines de personnes, animées par l’orchestre Yérépouni du foyer culturel arménien de Nice, dans la propriété de M. Lorénian à la Foux, des aides médicales ont été apportées aux blessés graves du tremblement de terre en Arménie de 1988, des cours de langue et de danses arméniennes ont été donnés à la Maison des sports et de la jeunesse, etc.

Noël arménien à Draguignan

L’une des personnalités les plus en vue a été Arpiar Hadjian qui a dirigé une importante entreprise de confection et s’était manifesté régulièrement pour financer les soirées communautaires et artistiques, sans oublier l’aide qu’il avait apporté aux Arméniens les plus démunis en leur proposant un emploi.

Aujourd’hui, l’Amicale de Draguignan semble bien déterminée à poursuivre un travail commencé il y a cent ans, grâce à son président Gérard Béroud, motivé dans ses responsabilités et, entouré d’un fort soutien de son épouse Nariné, de Corinne et d’Aris, toujours disponibles à ses côtés.

Édouard Mardirossian