ÉDITORIAL – La crise de l’Église s’approfondit

L’archevêque Mikayel Ajapahian et Bagrat Galstanian ont diffusé, depuis leur cellule de prison, une déclaration dans laquelle ils proclament que les dix hauts dignitaires de l’Église apostolique arménienne qui demandent la démission de l’archevêque Arshak et de Sa Sainteté sont des traitres, et simultanément, demandent à Sa Sainteté de les déclarer défroqués. Ainsi, en Arménie, la liste des traîtres s’est allongée de dix nouveaux membres sans procès ni jugement. Que peut-on attendre de l’Église lorsque les hauts dignitaires ecclésiastiques, dans le but d’assurer leur autodéfense ou s’autojustifier, donnent la qualification  de traîtres à leurs adversaires et leurs collègues ?

Le plus étonnant est que ces deux « archevêques » (le titre ecclésiastique de l’un d’eux, à savoir celui de Bagrat Galstanian, est « suspendu ») emprisonnés se considèrent eux-mêmes comme des prisonniers politiques, réclament justice, et n’hésitent pas à proclamer que leurs frères chrétiens sont des traitres et demandent leur défroquage par décision unilatérale de Sa Sainteté. Ce phénomène est un indicateur important de l’état psychologique malsain et du niveau intellectuel et moral plutôt bas qui règne chez une partie du clergé de l’Église apostolique arménienne.

La crise au sein de l’Église n’avait pas été extériorisée par le clergé. L’étincelle, le premier pas, a été lancé par un prêtre, le Père Aram, qui a rapidement trouvé un écho auprès de plusieurs autres pères, après quoi le tour en est venu aux évêques et aux archevêques qui se sont manifestés contre le comportement moral d’un haut dignitaire et à la manière dont le Catholicos défendait ce haut dignitaire, son protégé. La question de la crise spirituelle qui sévit au sein de l’Église peut être examinée sous différents angles – politique, ecclésiastique, étatique, spirituel, sociologique, moral, judiciaire, législatif… mais, par-dessus tout, la crise doit être résolue par les ecclésiastiques eux-mêmes. Jusqu’à présent, ils l’ont évitée, s’estimant victimes, persécutés, ignorant les préoccupations et les besoins quotidiens et spirituels de la population.

En Arménie, en raison de l’état alarmant où se trouve l’Église apostolique arménienne, Sa Sainteté le Catholicos était absent de la plus importante célébration chrétienne – la commémoration du 1700e anniversaire du Concile de Nicée, à laquelle participaient les dirigeants des Églises chrétiennes, sous les auspices du Pape Léon XIV et du Patriarche de l’Église orthodoxe Bartholomée.

Le contraste est saisissant : face à l’incompétence du Vehapar à dénouer la crise au sein de l’Église apostolique arménienne, la figure du Pape Léon 14 paraît d’autant plus remarquable, lui qui, depuis Istanbul, adresse des messages de paix et de dialogue concernant les questions morales, sociales, économiques et politiques qui préoccupent l’humanité. En visitant le Patriarcat de l’Église apostolique arménienne à Constantinople, le Pape Léon XIV a évoqué Nersès le Gracieux (Klayetsi), qui prônait l’unité des Églises en respectant toutes les confessions, sans intentions prosélytes. Quant au peuple libanais, épuisé par la guerre et plongé dans les conflits communautaires internes, et menacé par les bombardements israéliens, il a chaleureusement accueilli le Souverain Pontife, qui a prôné la persévérance, l’espoir et la paix.

Les 4 et 5 décembre prochains, la visite de Sa Sainteté à Marseille est attendue, pour l’inauguration de khatchkars et le vernissage de l’exposition « Trésors arméniens d’une culture en mouvement », avec l’espoir que son accueil par la communauté arménienne de France soit digne et responsable.

J. Tch.

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