 
															Les histoires déplaisantes et les poursuites judiciaires menées contre des ecclésiastiques de l’Église apostolique arménienne ne sont pas propres uniquement aux Arméniens ; dans divers pays occidentaux, des accusations et des emprisonnements d’ecclésiastiques ont également lieu pour des délits divers. Il était nécessaire que ce processus commence aussi au sein de l’Église apostolique arménienne, afin que les ecclésiastiques regagnent la confiance de la population. Mais au quotidien, les événements politiques montrent l’ampleur du malaise. L’instrumentalisation politique du phénomène complique la situation. Le dernier épisode en date fut la rencontre de Mgr Shahan Sarkissian, représentant de la Grande Maison de Cilicie, avec le Premier ministre Pachinian laquelle au lieu d’apaiser les passions, les a davantage attisées.
L’heureuse surprise est venue de l’Église catholique qui, en canonisant Mgr Ignace Maloyan, prélat de la communauté catholique des Arméniens de Mardin, victime du génocide arménien, a élevé ce prêtre arménien au rang de symbole. À l’heure des génocides, des crimes contre l’humanité et des nettoyages ethniques, Mgr Maloyan incarne la foi, les valeurs morales et le dévouement, et bénéficiera désormais des prières des fidèles et de l’attention internationale. Il faut espérer que Maloyan aura aussi une influence bénéfique en Arménie.
Il était émouvant d’être témoin, en présence de 70 000 fidèles sur la place de la basilique Saint-Pierre du Vatican, de la cérémonie de canonisation de Maloyan avec six autres bienheureux. Une nouvelle page dédiée à la mémoire du génocide arménien s’ouvrait, qui aura un retentissement international. Désormais, les fidèles invoqueront l’intercession et la médiation de saint Maloyan pour mériter la miséricorde de Dieu.
Prenant exemple sur le Vatican, l’Arménie aussi, en tant que fille aînée de la foi chrétienne, a la capacité de devenir un pays unissant toute la chrétienté. Mais il faut que les ecclésiastiques prennent conscience de cette force intrinsèque. L’Arménie ne manque pas de lieux saints, de martyrs et de foi. Le pape François avait déjà donné le signal lors de sa visite en Arménie, en 2016, déclarant qu’il venait en Arménie en tant que pèlerin, vers le premier État à avoir adopté le christianisme.
L’Église catholique avait déjà accepté dans le rang de ses saints les saints arméniens, tels que saint Grégoire l’Illuminateur et saint Grégoire de Narek. Avec la canonisation de Maloyan, c’est la première fois qu’un Arménien contemporain est canonisé.
Depuis la chute d’Ani, les Arméniens sont entrés dans un vaste processus de dispersion à travers le monde. Le Catholicossat de l’Église apostolique arménienne de Sis, après de longues pérégrinations, s’est finalement établi à Antélias au Liban, après le génocide ; de même, l’Église catholique arménienne a établi depuis des siècles son siège à Bzommar, au Mont-Liban. Le père Maloyan y fut ordonné et envoyé en mission en Arménie historique, à Mardin, où il fut martyrisé. À cette occasion, le lien des Arméniens avec le Liban prend une signification encore plus forte. À cet égard, la présence du président du Liban et des patriarches catholiques maronite et assyrien, lors de la cérémonie de canonisation, est un symbole important de la fraternité et de l’universalité des valeurs ecclésiastiques, particulièrement face aux phénomènes de nationalisme, de racisme et de xénophobie de la période actuelle.
Parmi les personnalités officielles invitées à la cérémonie de canonisation, aux côtés des représentants des Églises apostoliques, se trouvait également le Premier ministre d’Arménie, qui a eu des contacts officiels et chaleureux avec le Pape et le Catholicos Patriarche des catholiques arméniens. Une autre leçon de collaboration cordiale entre l’État et l’Église.
J. Tch. ■