À la fin de l’année, la diaspora, son identité, son avenir et les relations Arménie-diaspora sont étonnamment devenus sujets de discussion sur diverses plateformes. D’abord, le « Forum sur l’art et la culture » que le Haut-Commissaire à la Diaspora avait organisé les 20-21 novembre, auquel ont participé environ 250 personnes, essentiellement de la diaspora européenne. Deuxièmement, toujours à Erevan, la conférence « Comment penser la diaspora ? » présentée le 3 décembre par Jirayr Libaridian, ancien vice-ministre des Affaires étrangères et historien. Dans la Diaspora, à Londres, l’Institut arménien a organisé le 2 décembre « Réimaginer la relation entre la diaspora arménienne et l’État ». Le 5 décembre, il y a eu le lancement de la plateforme analytique « Perspectives diasporiques » de la Fondation Calouste Gulbenkian à Londres, et enfin, en France, l’annonce de la campagne électorale visant à introduire un vote au scrutin public pour élire certains représentants au sein de la sphère dirigeante du CCAF, ceci étant une tentative hésitante vers la représentativité directe au sein d’une structure diasporique, ainsi que l’exposition « Trésors arméniens d’une culture en mouvement 1512-1828 » à Marseille, qui est la preuve flagrante de l’existence de la diaspora arménienne d’avant la catastrophe de 1915.
Il existe peut-être d’autres initiatives dont nous ne sommes pas informés, ce qui est en soi un phénomène révélateur de la grande lacune du système d’information tant en Arménie que dans la diaspora, montrant l’incapacité des médias, des structures arméniennes globales et étatiques à fournir des informations sur les rencontres relatives à l’étude de son identité et les différentes formes diasporiques, afin de créer un intérêt public autour de ce sujet essentiel.
Est-ce une coïncidence que, dans cette courte période de deux semaines, les rencontres consacrées à la diaspora et aux relations Arménie-diaspora coïncident avec la vive confrontation entre le Saint-Siège et le pouvoir en Arménie ? L’Etat et l’Eglise, deux structures essentielles pour lesquelles l’existence, la préservation et le développement de la diaspora sont des gages importants de l’existence et du développement de la nation, de l’État et de l’Église. Le pouvoir, tant bien que mal, organise encore des rencontres au sujet de la diaspora, même si elles restent publicitaires et se heurtent à l’opposition des structures pan-arméniennes solidement établies dans la diaspora. Par contre, le Saint-Siège est loin d’organiser ou d’initier des rencontres et des réflexions concernant l’avenir de la diaspora. Bien qu’au cours de l’histoire, l’Église ait pendant des siècles pris en charge les besoins spirituels et administratifs des communautés en l’absence d’État, elle est actuellement enlisée dans ses propres crises et loin d’avoir la volonté d’examiner les défis du présent et les questions de renouvellement de la diaspora.
Malheureusement, la situation est la même pour les grandes structures pan-arméniennes, partis, organisations caritatives diasporiques, qui se sont établies en Arménie et qui pour la plupart s’opposent au pouvoir, et dont les branches diasporiques sont utilisées pour mener une lutte plus acharnée contre le gouvernement. Ce qui probablement génère l’apathie du public et son manque de combativité. La défaite de la guerre dite de 44 jours et l’épuration ethnique de l’Artsakh expliquent aussi ce découragement.
Il s’avère que ce sont particulièrement les intellectuels et des universitaires qui s’intéressent à l’étude approfondie de la diaspora. Ce qui est très important pour la comprendre, pour saisir ses forces et ses faiblesses et pour développer des stratégies en phase avec les exigences et les réalités d’aujourd’hui. Parmi ces initiatives, il est à noter la création de la plateforme analytique de la Fondation Calouste Gulbenkian, qui fait de la diaspora un objet d’étude durable, afin de proposer aux structures existantes les outils et analyses nécessaires pour affronter les défis actuels et de faire des propositions pour la dynamiser et, en dernier lieu, de porter à la connaissance du monde académique et politique les particularités de l’expérience diasporique arménienne.
J. Tch. ■