Et que fait la diaspora…

Le processus de négociations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en avril-mai a été bloqué après la réunion de Chisinau le 2 juin. La victoire d’Erdogan aux élections parlementaires et présidentielles en Turquie a également été une victoire pour Aliev. Encouragé par le succès de son allié stratégique, Aliev a adopté une posture plus radicale vis-à-vis de l’Arménie et de l’Artsakh. Il a été décidée de reporter la rencontre entre Ararat Mirzoyan et Ceyhun Bayramov prévue mi-juin à Washington. Dans le même temps, Aliev a exigé que les dirigeants de la République d’Artsakh démissionnent et dissolvent leurs institutions étatiques, après quoi il serait question de leur octroyer l’amnistie.

Les États-Unis ont salué cette «noble» initiative d’Aliev. La Russie n’a pas réagi. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a annoncé que « L’installation par l’Azerbaïdjan d’un point de contrôle sur le corridor de Lachine va à l’encontre des efforts visant à instaurer la confiance entre les deux parties». Finalement aucune condamnation.

Ces réponses sont porteuses de graves conséquences, une carte blanche pour des agressions militaires et des violations des droits de l’homme. Les risques de déclenchement d’une nouvelle guerre ne sont pas exclus. Les déclarations quotidiennes diffusées par l’armée azérie concernant la violation du cessez-le-feu par les forces arméniennes et artsakhiotes en sont aussi la preuve. Et Zakir Hasanov, le ministre de la Défense, lors d’une conférence de presse, a appelé le commandement de l’armée à «être prêt pour la guerre à chaque instant».

Dans le cadre de ces événements, le ministère arménien des Affaires étrangères a appelé les casques bleus russes à «suivre de près le maintien du régime de cessez-le-feu et à enquêter sur tous les événements annoncés par l’Azerbaïdjan, en déclarant publiquement la situation globale». Un message significatif qui signale en langage diplomatique les intentions inavouées de l’Azerbaïdjan susceptibles de conduire au déclenchement de la guerre.

La diplomatie occidentale travaille de toutes ses forces non pas pour protéger les droits des Arméniens d’Artsakh et de l’Arménie, mais pour chasser les Russes du Caucase du Sud en évitant d’appliquer les règles du droit international humanitaire, en tolérant les opérations militaires menées par l’Azerbaïdjan sur les territoires arméniens. À l’heure actuelle, prenant en compte la guerre en Ukraine, il n’y aurait pas d’autres alternatives pour la Russie que d’accepter l’idée d’une nouvelle guerre en Artsakh, comme seul moyen pour préserver sa présence en Artsakh et en Arménie. Et l’issue de cette guerre reste incertaine. Les Russes feront de leur mieux pour affaiblir les deux camps en les laissant s’entretuer, l’armée russe conservant le rôle d’arbitre. Et l’Occident attend qu’Aliev sorte une nouvelle fois vainqueur, même si une catastrophe humanitaire en sera le prix, même si une partie de l’Artsakh et de l’Arménie sera engloutie dans ce jeu.

Face à cette situation tragique, le champ politique de l’Arménie reste polarisé depuis trois ans. Et que fait la diaspora, quels leviers actionne-t-elle là où les communautés arméniennes sont importantes, en Occident – notamment aux USA, en France – et en Russie ? Quelle influence la diaspora et les Arméniens de l’étranger ont-ils exercé, jusqu’à présent, sur les décisions des dirigeants politiques de Russie et de l’Occident en faveur de l’Artsakh, sur les instances internationales ? Quel a été l’impact des décisions du Sénat français et de l’Assemblée nationale sur l’autodétermination de l’Artsakh ? Mise à part la mission d’observation civile, avec les résultats mitigés que l’on sait, rien.

Et si l’on focalise davantage notre interrogation sur les Arméniens de France, qui de par leur nombre constituent la troisième communauté de la diaspora, et la première d’Europe. Par exemple, dimanche dernier, la manifestation de solidarité en faveur des Arméniens d’Artsakh organisé par le CCAF a réuni à peine quelques centaines de personnes. Pourquoi les 20 à 25 000 Arméniens répondant à l’appel de la même organisation lors de la guerre de 2020 ont-ils réduit au centuple leur participation ? Pourquoi cet échec ? Qui est responsable de cet état des choses ? Peut-on se contenter de critiquer les autorités arméniennes sans se poser la question de la responsabilité des hommes politiques de la Diaspora ? Nous ne pouvons nous satisfaire que l’on nous réplique par un esprit de division, en nous rappelant de façon sempiternelle les erreurs politiques de l’Arménie.

J. Tch.