Pourquoi Aliev et Pachinian ont-ils accepté de se rendre à Washington pour une pré-signature de l’accord de paix, alors que deux rencontres infructueuses avaient déjà eu lieu : l’une à Tirana lors du sommet de la Communauté politique européenne le 16 mai 2025, et la seconde à Dubaï le 10 juillet 2025, et toutes deux ont échoué en raison des conditions préalables imposées par Aliev ?
Dans le cas de Pachinian, après la défaite de la guerre de 2020 et après avoir été trahi par la Russie, il est évident qu’il aspirait à signer un accord de paix pour assurer la stabilité et la sécurité du pays, ce qui était l’objectif du projet « Carrefour de la paix ». Une rencontre sous les auspices du président de l’État le plus puissant du monde pour établir la paix constitue une perspective prometteuse. À cet égard, cette démarche diplomatique de l’Arménie est appréciable. En présence du président américain, la route reliant le territoire principal de l’Azerbaïdjan au Nakhitchevan a été nommée « Route Trump pour la paix et la prospérité internationales » au lieu de son appellation azerbaïdjanaise « couloir de Zanguezour », et ce dans le respect de l’intégrité territoriale, de la souveraineté, de la juridiction et de la réciprocité pour l’Arménie. Le terme de réciprocité n’avait pas été évoqué jusqu’à présent aux côtés de la souveraineté, ce qui implique un passage d’Erevan à Meghri via le Nakhitchevan. L’Arménie a également obtenu la participation d’entreprises privées américaines pour la construction de la route longue de 43 kilomètres ainsi qu’un accord bilatéral de développement économique avec les États-Unis.
En revanche, dans le cas d’Aliev, il y a un véritable revirement stratégique, car le principal opposant à la signature de l’accord de paix Arménie-Azerbaïdjan est Aliev lui-même, qui impose continuellement de nouvelles conditions préalables à l’Arménie, fort de sa supériorité militaire. La diminution de l’influence russe dans le Caucase du Sud était notable en raison de la guerre d’Ukraine, qui a également causé le retrait des casques bleus russes d’Artsakh. En renonçant au point 9 de l’Accord du 9 novembre, l’Azerbaïdjan mettrait fin au dernier point d’appui de la présence russe dans la région. De ce fait, les relations azerbaïdjano-russes se sont fortement détériorées. C’est là la principale motivation du rapprochement de l’Azerbaïdjan avec les États-Unis. La fourniture d’aide militaire américaine à l’Azerbaïdjan révèle également l’intermédiation d’Israël et du lobby juif aux États-Unis. Le contrôle américain de la route de la paix et de la prospérité de Trump donnerait également à Israël un droit de regard sur cette section frontalière et, partant de là, la possibilité d’une surveillance israélienne à distance du nord de l’Iran via le Nakhitchevan.
Sur le plan de la politique intérieure, pour les responsables des relations publiques de Trump, l’image d’un président porteur de paix était absolument nécessaire pour faire oublier ses échecs en Ukraine et à Gaza. Sa photo avec Pachinian et Aliev à la Maison Blanche, main dans la main, à l’adresse de son électorat, était salvatrice. Quant à l’annonce conjointe d’Aliev-Pachinian pour présenter Trump à la
candidature au prix Nobel de la « Paix », c’est un geste flatteur pour l’ego de Trump, bien que ce qui a été signé à Washington ne soit qu’une pré-signature, sans aucune conséquence pratique dans l’immédiat.
La Turquie, acteur important, a opéré en coulisses dans la mise en scène washingtonienne, pour laquelle la route de Trump annonce la réalisation du rêve pantouranien. Si la Turquie ouvre la frontière avec l’Arménie, cela signifierait que l’intervention de Trump aura été utile sur la voie de la conclusion d’un accord de paix Arménie-Azerbaïdjan.
Il reste à voir comment la Russie et l’Iran, au-delà des déclarations officielles, vont pratiquement contrer cette pénétration américaine inattendue. L’intérêt national arménien exige d’assurer une présence équilibrée des acteurs internationaux dans la région en veillant aux intérêts vitaux, parfois contradictoires, de toutes les forces en présence. Face à la route de Trump, l’Arménie doit donner des garanties stratégiques solides à l’Iran et à la Russie concernant l’axe Sud-Nord.
J. Tch. ■
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