1in.am, Erevan, le 24 mai 2025
Il n’existe sans doute aucun centre de pouvoir géopolitique s’intéressant au Caucase qui n’ait évoqué la nécessité de signer le traité de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Cependant, non seulement ces nombreuses discussions ne réduisent pas le nombre des conditions que pose l’Azerbaïdjan à l’Arménie pour sa concrétisation, mais au contraire, l’Azerbaïdjan les répète sans cesse en ne manquant pas d’en ajouter de nouvelles. Ces conditions augmentent non seulement par leur nombre, mais également dans leur nature.
Un seul exemple. Tout récemment, l’Église apostolique arménienne a été prise pour cible par Allahchukur Pachazadé, le chef des Musulmans du Caucase[1], qui a déclaré que « l’Église apostolique arménienne constituait une menace régionale » et affirmé qu’elle s’était « approprié » les monuments[2]. Le Saint-Siège d’Etchmiadzine a répondu à la déclaration de Pachazadé, en dénonçant le caractère fallacieux et provocateur de ces propos.
Il ne s’agit en réalité pas d’une question opposant des autorités religieuses, mais d’un véritable défi diplomatique comportant une double dimension politique et religieuse que Pachazadé met en avant, dicté, sans l’ombre d’un doute, par les autorités de Bakou.
Nous avons affaire à une nouvelle provocation à plusieurs niveaux qui peut présenter d’énormes risques. La réponse à cette question ne peut donc pas se limiter à la seule réponse du Saint-Siège. Même si elle a été rapide et pertinente.
Bien évidemment, cette question n’est pas une question à laquelle il faut répondre à chaque instant, en s’agitant ans tous les sens. Nous devons simplement développer un système à plusieurs niveaux de contre-mesures religieuses et politiques qui anticipent les plans de Bakou dans ce domaine.
L’Azerbaïdjan a évidemment bien compris le rôle croissant des facteurs politico-religieux dans le contexte géopolitique actuel. Cibler l’Église apostolique arménienne n’est pas seulement pour lui un simple élément de communication et de propagande. En présentant l’Église apostolique arménienne comme une menace régionale, Pachazadé ne se limitera sans doute pas au seul Caucase. Cette dimension politico-religieuse arménienne sera utilisée plus globalement, en l’élargissant au Moyen-Orient où elle est un facteur important dans les enjeux internationaux. Mais la réaction de l’Arménie doit être fondée sur une logique asymétrique de réponse. En d’autres termes, la dénonciation du révisionnisme de l’Azerbaïdjan doit évidemment être opérationnelle et récurrente, mais elle nécessite dans le même temps un travail stratégique global, combinant et coordonnant le potentiel de l’Église, de l’État et des structures de la Diaspora, en travaillant avec ces principaux acteurs, car c’est eux que l’Azerbaïdjan vise par sa politique révisionniste.
Il ne s’agit pas d’une simple confrontation tactique, il faut donc l’aborder de manière plus sérieuse et conceptuelle, en dépassant les éventuelles lignes de division institutionnelles et personnelles.
Traduction-adaptation : Sahak SUKIASYAN
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[1] Voir le texte de son intervention sur le site de Nor Haratch https://norharatch.com/news/bakou-appel-subliminal-au-jihad-et-a-la-reconquete-de-lazerbaidjan-occidental/
[2] Dans un délire mégalo-manique qu’il partage avec son président – Aliev vient de déclarer « qu’Erevan était azerbaïdjanaise » – Pachazadé accuse l’Église arménienne de s’être approprié son propre patrimoine, y compris Etchmiadzine qui serait azerbaïdjanaise.
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