Le fléau des paris en ligne en Arménie et les tensions politiques qu’il génère

Une addiction nationale aux conséquences dramatiques

L’Arménie traverse une crise majeure liée aux jeux de hasard en ligne. Les données Google révèlent une situation alarmante : parmi les cinq termes les plus recherchés par les Arméniens au cours des douze derniers mois, trois correspondent à des noms de bookmakers. Cette tendance s’avère particulièrement prononcée dans les régions d’Aragatsotn, de Lori et de Chirak, où l’intérêt dépasse de trois fois celui observé à Erevan.

L’ampleur du phénomène défie l’entendement : en 2022, plus de 14 milliards de dollars de mises ont été placés en Arménie, représentant plus de 65 % du PIB national. Cette dépendance gangrène tous les secteurs de la société, y compris l’armée, où des incidents liés aux dettes de jeu sont régulièrement signalés.

Confrontées à cette situation critique, les autorités multiplient les mesures restrictives. Le gouvernement envisage d’interdire les jeux aux bénéficiaires d’aides sociales, aux personnes en situation de faillite, à celles ayant contracté d’importants crédits à la consommation, ainsi qu’aux individus suivant un traitement pour addiction. Un système électronique de contrôle est actuellement en développement afin d’identifier de nouveaux facteurs de risque.

Le conflit Simonian-Sarkissian : révélateur des tensions au pouvoir

C’est dans ce contexte particulièrement préoccupant que s’inscrit le conflit opposant Alen Simonian, président de l’Assemblée nationale, à Haïk Sarkissian, député du parti au pouvoir « Contrat civil ». Leur différend porte sur un projet de loi visant à augmenter la fiscalité des entreprises de paris en ligne, initiative portée par Sarkissian.

Selon une lettre anonyme diffusée aux médias, lors de la réunion de son parti à Kotayk, Simonian se serait opposé violemment à ce projet car il aurait des « intérêts financiers » dans la société « Vivaro », le leader des sites de paris en ligne en Arménie. Le conflit aurait escaladé jusqu’au Premier ministre Pachinian, Simonian réclamant des sanctions contre Sarkissian pour violation des règles d’éthique et l’arrêt du vote, mais Pachinian aurait ordonné de voter en faveur du projet.

Cette confrontation s’enracine dans l’histoire : les deux hommes s’étaient déjà affrontés sur le même sujet il y a six ans. En 2021, Simonian avait par ailleurs été impliqué dans un scandale après la publication de photographies de ses vacances luxueuses en Grèce en compagnie du fondateur de « Vivaro », Viguen Badalian.

Des conséquences politiques tangibles

Le parti au pouvoir a finalement reconnu la nécessité d’une intervention : une procédure disciplinaire engagée contre Sarkissian en avril a abouti à un « avertissement sévère ». Malgré les déclarations rassurantes de Pachinian concernant la « paix » au sein de sa formation politique, cette affaire met en lumière les tensions internes qui traversent le pouvoir à l’approche des élections législatives.

Éditorial