Le moyen le plus simple de défendre l’Artsakh

La fête de l’indépendance de l’Artsakh a été célébrée le 2 septembre, dans des conditions difficiles, quelques jours après la rétrocession du corridor de Berdzor. Beaucoup d’efforts sont actuellement déployés sur le plan de la diplomatie internationale, mais les espoirs de parvenir à une solution rapide sont faibles. Néanmoins, les habitants de l’Artsakh ne se découragent pas et mènent un travail d’auto-organisation, sans pour autant le crier sur tous les toits. Et sans doute ce qui effraie le plus les Azéris, qui veulent imposer au plus vite un accord de paix à l’Arménie, selon leurs propres conditions.
La rencontre Pachinian-Aliev-Michel à Bruxelles sous les auspices de l’Union européenne n’a pas donné lieu à au moins la libération des prisonniers de guerre arméniens. La rencontre des ministres des Affaires étrangères d’Arménie et de Russie, la visite du ministre de la Défense d’Arménie à Moscou, puis aux États-Unis, témoignent de la concurrence féroce qui fait rage entre l’Occident et la Russie pour s’assurer des positions géopolitiques fortes dans le Caucase du Sud.
Naturellement, la Russie reste prédominante, compte tenu de sa présence militaire en Arménie et en Artsakh. Cependant, le prolongement de la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales ont affaibli ses positions, ce qui donne à l’Azerbaïdjan l’occasion de présenter des revendications intransigeantes et maximalistes envers l’Arménie et l’Artsakh, en piétinant même l’accord du 9 novembre.
En marge des réunions parrainées par les grandes puissances, les déclarations quasi quotidiennes des Azéris accusant les forces arméniennes de violer le cessez-le-feu sont très inquiétantes et – même si elles sont démenties par la partie arménienne – entretiennent une atmosphère tendue qui fait craindre des préparatifs pour une attaque à grande échelle. C’est ce qu’a récemment réaffirmé le ministre des Affaires étrangères d’Arménie, en déclarant que la partie azérie a l’intention de faire échouer le processus de paix.
En cette période pleine d’attente et de menaces entourant la question de l’Artsakh, l’annonce de l’homme d’affaires Rouben Vardanian de s’installer en Artsakh et de renoncer à sa citoyenneté russe était inattendue. Bien qu’il ne soit pas originaire d’Artsakh, Rouben Vardanian a ignoré les menaces qui pèsent sur l’Artsakh pour prendre une mesure on ne peut plus audacieuse, qui a ouvert la porte à de nombreuses questions dans les milieux politiques. Si les anciens présidents arméniens originaires d’Artsakh, Robert Kotcharian et Serge Sarkissian, auraient pris une telle décision ça serait plus normale et politiquement compréhensible.
Rouben Vardanian est une figure qui jouit d’une grande reconnaissance publique et d’un grand crédit de par ses réalisations. Téléphérique « Ailes de Tatev », Ecole internationale de Dilidjan, Prix Aurora pour l’éveil de l’humanité, Ecole internationale Matena, forum pan-arménien « The Future Armenian », il est l’auteur de nombreux projets éducatifs, culturels, sociaux, économiques et pan-arméniens. C’est une personnalité proche de Poutine et de Medvedev, qui a récemment été mis sur liste noire par les Etats-Unis et qui a fait fortune en Russie. Pourquoi donc renoncer à sa nationalité russe et partir s’installer en Artsakh une région dont la sécurité est assurée par les forces russes de maintien de la paix ? Naturellement, cette démarche patriotique n’aurait pu se faire sans concertation avec le Kremlin.
Rouben Vardanian a pour ambition d’incarner un nouveau pouvoir politique. Son programme de formation en développement économique et en gestion, « Matena » a pour objectif de former une nouvelle génération de leaders des collectivités locales. Il soutient le parti « Aprelou Yerkir ». À la fin de la guerre d’Artsakh, il avait annoncé qu’il s’impliquerait davantage dans la vie politique de l’Arménie. En s’installant en Artsakh, une nouvelle page s’est ouverte dans le champ politique arménien, qui est l’expression la plus simple du patriotisme pratique : protéger l’Artsakh en y vivant, et non pas de loin, seulement en trinquant, en chantant, en priant et en agitant des drapeaux.

J. Tch.