« Le Saint Etchmiadzine comme mission »

Du 5 au 11 juin, la Congrégation de l’Église apostolique arménienne se réunit au Saint-Siège d’Etchmiadzine afin d’examiner les problèmes auxquels l’Église est confrontée aujourd’hui. Le titre de cette réunion, tel qu’il est formulé, « Le Saint Etchmiadzine comme mission », est pour le moins étrange et nécessite qu’on l’interprète. Selon le service de presse du Saint-Siège, les prêtres d’Arménie et de la diaspora discuteraient des trois sujets suivants : (a) les questions éducatives, religieuses et celles de propagande, l’enseignement de l’histoire de l’Église dans les écoles, (b) les questions d’ordre cultuel, et enfin (c) la question de la souveraineté de la République d’Arménie et de l’Artsakh, la protection des droits de l’homme sur les plates-formes interreligieuses.

Naturellement, une telle initiative de la part de l’Église apostolique tente de renforcer le rôle politique de l’Église aux côtés de sa fonction religieuse et sociale. Mais étonnamment, l’Église apostolique arménienne écarte une question d’actualité très importante et qui a une portée internationale, celle de la cession ou de la mise en location – de façon illégale – de terrains et de propriétés de la congrégation du Patriarcat de Jérusalem.

Parallèlement, du 5 au 8 juin, est également organisée la réunion du Conseil Spirituel Suprême, qui a pour ordre du jour l’étude de la situation de crise en Arménie et en Artsakh, les programmes d’aides sociales à l’Artsakh, la rénovation de la cathédrale d’Etchmiadzine, … et le programme d’enseignement de « l’histoire de l’Église arménienne » dans les écoles publiques, ainsi que les questions liées à l’activité des nouveaux diocèses et paroisses.

Outre ces rassemblements religieux, le Saint-Siège a créé la plate-forme « Gavit » (narthex) pour débattre des questions de stratégie nationale. Lors du discours d’ouverture de « Gavit », tenu le 2 juin dernier, le Catholicos a mentionné que le thème «L’Arménie et l’Artsakh au tournant : défis et moyens de les surmonter», a été choisi comme premier sujet de discussion, en tenant compte des processus politiques redoutables qui traversent la vie publique, des problèmes de sécurité existants et des menaces existentielles qui se dressent devant le peuple d’Artsakh. «Nous espérons pleinement qu’avec une réflexion commune sur les défis multiformes auxquels sont confrontés l’Arménie et l’Artsakh, nous serons en mesure de formuler des propositions constructives qui seront prises en compte par les autorités, ainsi que par diverses forces et personnalités politiques, et présenteront une opportunité afin d’unir le pays, de révéler tout notre potentiel, et de sortir le pays de la situation difficile dans laquelle il se trouve. Nous réalisons tous que ce n’est qu’avec l’unité nationale que nous pourrons surmonter l’épreuve lourde et difficile à laquelle la nation est confrontée », a déclaré Karékine II.

Ce sont des paroles bienvenues, qui ne doivent pas servir de voile pour former un nouveau front politique contre le pouvoir, comme le fait présager le choix des participants à cette plate-forme. En effet, le coordinateur de cette initiative, Mgr Mikael Adjabahian, l’évêque du diocèse de Shirak, un opposant emblématique au pouvoir en place, avait réuni des personnalités proches des cercles de l’opposition radicale, la seule exception étant M. Hagop Tcholakian, un intellectuel et universitaire arménien d’Alep, et soi-dit en passant, le seul Arménien de la diaspora qui réside actuellement à Erevan.

Les relations récentes entre l’État et l’Église n’ont pas connu une période heureuse comme celle qui a précédé la révolution de velours. L’élite ecclésiastique du Saint-Siège a exprimé à plusieurs reprises sa sympathie et sa solidarité avec les dirigeants de l’ancien régime. Le Catholicos Karékine II a même exigé la démission du Premier ministre, et nombre d’ecclésiastiques de haut rang n’ont pas manqué l’occasion de discréditer les membres du gouvernement et de critiquer vivement sa politique, ce qui est contraire au principe de la séparation de l’Église et de l’État établi par le Constitution, et en ignorant complètement la décision souveraine du peuple exprimée lors des élections législatives extraordinaires.

J. Tch.