Les retentissements du tremblement de terre

Les temps présents n’ont pas vu de pause dans les grandes tragédies. Comme si les guerres ne suffisaient pas, s’y sont ajoutées les catastrophes naturelles, comme les tremblements de terre, qui ne font aucune  distinction entre les hommes, les nationalités, les races, les classes, le souverain ou le sujet.

Les tremblements de terre en Turquie et en Syrie ont également eu de graves conséquences pour les Arméniens. Ils ont réveillé des souvenirs amers. L’histoire de la Troisième République d’Arménie est directement liée au tremblement de terre de Spitak en 1988, à l’effondrement de l’Arménie soviétique et au douloureux début de l’Arménie indépendante. Tremblement de terre et guerre sont apparus en même temps, dont nous subissons encore les conséquences tragiques. Après la guerre d’Artsakh, qui a offert, paradoxalement, des moments de joie pendant une période, aujourd’hui l’avenir des Arméniens s’assombrit et présente une course dangereuse. Dizaines de milliers de morts, perte de richesses accumulées depuis des centaines d’années, destruction des maisons et des usines, émigration massive de familles vivant encore dans la pauvreté…

Bien que les tremblements de terre actuels soient loin des frontières de l’Arménie et de l’Artsakh, ils ont eu lieu dans la région géographique de la Cilicie historique et dans le nord de la Syrie, où les déportés arméniens se sont installés après la Grande Catastrophe. Où vivent encore de nombreux Arméniens. Où il y a encore des villages arméniens, comme Musa Ler, Kesap et bien sûr les villes d’Alep, de Lattaquié… Cette région a été le théâtre de la guerre civile syrienne, de la lutte contre l’État islamique, où l’invasion turque a causé de terribles dégâts. Les conditions de coexistence de la population et des communautés de la région se sont détériorées. Cela a causé des dommages irréparables pour les Arméniens. A tout cela s’ajoute, pour ceux restés en Syrie, de nouvelles pertes, de nouveaux dangers et l’angoisse de manquer des moyens de subsistance.

Beaucoup de pays apportent leur aide, dont la part du lion revient à la Turquie. Soumise aux sanctions occidentales, alliée de l’Iran et de la Russie, la Syrie est délaissée par de nombreux pays et reste abandonnée et démunie. Il est regrettable que l’aide humanitaire fasse, elle aussi, l’objet de discrimination.

Indépendamment de la discrimination entre les États, les régions kurdes et arabes de Turquie ne seront pas non plus exemptes de ces mêmes discriminations. Les tremblements de terre restera naturellement au centre de l’attention de la communauté internationale pendant un certain temps. Il aura des conséquences importantes sur l’élection présidentielle en Turquie, qu’Erdogan tentera d’utiliser afin d’accroître sa popularité, qui est récemment tombée basse.

Il est naturel pour l’Arménie de tendre la main à la Syrie, avec laquelle elle entretient des relations amicales depuis de nombreuses années. Les tremblements de terre modifient également les règles du jeu politique. Les États ennemis, les pays en conflit les uns avec les autres créent des opportunités pour se parler. Il est naturel que le gouvernement arménien mette à profit cette occasion pour établir des relations diplomatiques avec la Turquie.

Les tremblements de terre auront, enfin, des conséquences négatives sur le blocus de l’Artsakh, le monde médiatique trouvant là une autre façon d’y détourner son regard.

Le plateau arménien est situé dans une zone sismique active. Chaque tremblement de terre est une raison de rappeler que le développement urbain doit prendre en compte ce paramètre. Il est impératif de se préparer afin de sortir de tels événements avec un minimum de dégâts. Compte tenu du développement urbain sauvage d’Erevan au cours des 20 dernières années, ou des bâtiments construits pendant la période soviétique et la période de l’indépendance, dans quelle mesure les conditions pour supporter un nouveau tremblement de terre sont-elles vraiment prises en compte ? 

J. Tch.