Pas de décision sur le statut de l’Artsakh sans la Russie

Suite à la réunion trilatérale à Bruxelles le dimanche 22 mai, la déclaration du président du Conseil européen, Charles Michel, évite clairement d’aborder la question du statut du Haut-Karabakh. Des négociations ont eu lieu sur le déblocage des voies de communication sur la base du droit international, la démarcation de la frontière arméno-azerbaïdjanaise, le déminage des territoires restitués à l’Azerbaïdjan, le retour des personnes portées disparues et des prisonniers de guerre, ainsi que la sécurité de la population d’Artsakh.
Pour la troisième fois, Charles Michel a réussi à amener les dirigeants arménien et azerbaïdjanais à la table des négociations et à s’imposer comme un acteur international, en supplantant pratiquement le groupe de Minsk de l’OSCE sans renier complètement son autorité dans la résolution du conflit du Haut-Karabakh. Une intermédiation rendue nécessaire dans le contexte de la rupture des relations avec la Russie sur la scène internationale, afin de ne pas interrompre les pourparlers sur le règlement du conflit dans le Caucase du Sud. De toute évidence, la politique occidentale de durcissement des sanctions contre la Russie et d’arrêt des achats de pétrole impose une solution au conflit dans le Caucase du Sud, afin que les réserves de pétrole et de gaz de l’Azerbaïdjan puissent être exportées dans des conditions pacifiques vers l’Europe.
Les États-Unis et l’OSCE ont félicité et encouragé l’organisation de ces rencontres à l’initiative du Conseil européen. Le secrétaire d’État américain est personnellement intéressé par le succès des négociations et tient de fréquentes conversations téléphoniques avec les dirigeants arménien, azerbaïdjanais et turc pour assurer leur succès visant à résoudre les conflits dans la région.
La Russie suit de très près les pourparlers de Bruxelles. Dans tout cela, la définition du statut de l’Artsakh reste la plus grande interrogation, à laquelle l’opposition parlementaire arménienne, aussi bien que le gouvernement, mais aussi le Conseil européen et le groupe de Minsk de l’OSCE ont du mal à répondre directement. Et pour cause : la clé du statut de l’Artsakh reste entre les mains de la Russie, qui dispose de deux mille soldats de maintien de la paix sur place. Et à la fin de la guerre de 44 jours, le président Poutine et le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ont clairement indiqué qu’au stade actuel, il est trop tôt pour que le statut de l’Artsakh fasse l’objet de négociations.
Il est intéressant de noter que la position du gouvernement arménien est sujette à de nombreuses interprétations et critiques, alors que les négociations sont en cours. Les manifestations de rue de l’opposition parlementaire, qui durent depuis près d’un mois, exploitent encore très primitivement la thèse de « trahison » du chef du gouvernement visant à livrer l’Artsakh à l’Azerbaïdjan. Pour beaucoup, les rassemblements de l’opposition ont été organisés à l’instigation de la Russie, dans le but d’empêcher le retour de l’Occident dans le Caucase du Sud.
Lors de la séance de question-réponse du 25 mai à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Pachinian, se référant au processus de négociation, a affirmé que peu importe l’insistance de l’Azerbaïdjan sur ses cinq conditions pour la normalisation des relations avec l’Arménie, car pour les acteurs internationaux, l’accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sera signé en prenant en compte les six points de l’Arménie et les cinq points de l’Azerbaïdjan. La principale question est de savoir si la signature d’un accord arméno-azerbaïdjanais résoudra également le problème de l’Artsakh. Sur ce point, les opinions sont diamétralement opposées.
Le ministre des Affaires étrangères Ararat Mirzoyan a affirmé qu’au cours des pourparlers, l’Arménie et la communauté internationale étaient convaincues qu’il n’y avait pas de logique de « corridor » turco-azerbaïdjanais passant par le Zanguézour, mais qu’il y avait une mise en œuvre du droit international sur les douanes et le contrôle des passeports aux frontières entre les États souverains. Et concernant les pourparlers Arménie-Turquie, il a confirmé que la Turquie continue de lier cette question au progrès des pourparlers Arménie-Azerbaïdjan.

J. Tch.