PÉTITION – Déclaration sur la complicité du Vatican dans la falsification et l’effacement de l’histoire et du patrimoine de l’Église arménienne par l’Azerbaïdjan

Des historiens arméniens et des professionnels associés, en publiant le texte ci-dessous, ont lancé une pétition, destinée à leurs collègues, pour protester contre la tenue d’une conférence soutenue par le Vatican à l’Université Pontificale Grégorienne de Rome, servant de plateforme pour nier la présence historique de l’Église arménienne en Artsakh et en Azerbaïdjan et pour l’appropriation de ses monuments. La pétition, qui se termine le 17 avril 2025, avait déjà réuni plus de 200 signataires.

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Le 10 avril 2025, l’Université pontificale grégorienne de Rome a accueilli une conférence intitulée « Le christianisme en Azerbaïdjan : histoire et modernité ». L’événement était organisé par le Centre international du multiculturalisme de Bakou, l’Institut Bakikhanov d’histoire et d’ethnologie de l’Académie nationale des sciences d’Azerbaïdjan, l’Ambassade de la République d’Azerbaïdjan près le Saint-Siège et la Communauté religieuse chrétienne albanaise-oudie.

 Cet événement n’était pas une initiative à caractère académique, mais une tribune pour un révisionnisme empreint d’une pseudo-érudition. Il avait pour objectif de  promouvoir des narratifs soutenus par l’État azerbaïdjanais visant à effacer la présence historique de l’Église arménienne et à s’approprier ses monuments en les attribuant de manière frauduleuse aux anciens « Albanais du Caucase », un peuple sans lien avec les Albanais actuels d’Europe [Balkans] Son véritable objectif était clair : délégitimer les origines autochtones des Arméniens et les présenter comme étrangers à leurs terres ancestrales. Les communications présentées s’inscrivaient dans une campagne de propagande bien huilée poursuivie inlassablement depuis des décennies afin de déformer l’héritage millénaire de l’Église arménienne, sur un territoire arménien désormais occupé par un régime dont les antécédents d’éradication culturelle sont attestés. Ces falsifications sont loin d’être de menues erreurs scientifiques. Elles constituent des actes délibérés de distorsions de l’histoire. Elles surviennent moins de deux ans après le blocus inhumain de neuf mois imposé par l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh, puis de son agression génocidaire en septembre 2023 qui a entraîné le nettoyage ethnique de 120 000 Arméniens chrétiens autochtones. Cette atrocité succéda à la Guerre des 44 jours de 2020, lorsque soutenu par des mercenaires étrangers affiliés à Daech et à Al-Qaïda, l’Azerbaïdjan avait lancé une offensive sans aucune justification en ciblant des civils et des sites religieux, dont la cathédrale Ghazanchetsots de Chouchi. L’agression de l’Azerbaïdjan contre le patrimoine culturel arménien n’est pas une nouveauté. Elle s’inscrit dans une politique de génocide culturel de longue durée, calquée sur l’exemple turc, et menée sur l’ensemble de son territoire. Les exemples les plus marquants remontent à 1990 et 2009, lorsque quelque 10 000 khatchkars – croix de pierre arméniennes – ont été détruits à Djoulfa, au Nakhitchevan, dans des conditions que l’UNESCO et les spécialistes ont qualifié comme étant l’un des pires actes de destruction culturelle du XXIe siècle.

Mais ce qui rend ce nouvel épisode particulièrement inquiétant, c’est la complicité flagrante du Vatican.  La conférence a eu lieu en pleine connaissance de cause, et parfois même avec la participation de hauts responsables du Vatican. Parmi eux, figuraient le Père Mark Lewis, S.J., Recteur de l’Université pontificale grégorienne, le Cardinal Claudio Gugerotti, Préfet du Dicastère pour les Églises orientales, et Mgr Vladimir Fekete, Préfet de la Préfecture apostolique d’Azerbaïdjan.  Si le recours à la propagande négationniste par l’Azerbaïdjan est prévisible, il est inacceptable qu’un tel révisionnisme ait pu s’implanter au sein d’une institution universitaire majeure du Saint-Siège.

Des conférences comme celle-ci sont organisées depuis longtemps à Bakou à des fins de propagande. Celle-ci était la douzième sur le même thème. Mais en accueillir une à Rome, sous les auspices du Vatican, confère une fausse légitimité à des mensonges qui servent un programme génocidaire. Dans une lettre adressée aux participants à la conférence, le cardinal Gugerotti, un arménologue réputé, a repris sans vergogne les arguments du régime azerbaïdjanais. Il n’a fait aucune mention des centaines d’églises, de cimetières et de monuments culturels arméniens sous occupation, ni des tentatives actuelles du régime pour effacer leur identité arménienne. Au lieu de cela, il a chanté les louanges de l’Azerbaïdjan le présentant comme « un carrefour de peuples et de religions » et a invoqué la « tradition chrétienne… préservée à l’époque de l’Albanie caucasienne », suggérant que « les monuments sacrés, les églises, les manuscrits et les souvenirs » représentent « l’âme d’un peuple qui a su honorer Dieu ».

Non seulement ce récit est historiquement faux, mais sa négation des faits historiques est profondément offensante et moralement répréhensible au vu des crimes récents. La conférence elle-même a été entourée de secret, annoncée publiquement seulement la veille. Son programme n’a pas été mis en ligne et la liste des intervenants et des participants n’a pas été publiée, ce qui constitue une entorse à toutes les normes de transparence de la vie universitaire. Cette opacité volontairement entretenue indique que les organisateurs et les responsables du Vatican étaient pleinement conscients des objectifs fallacieux de la conférence et cherchaient à minimiser tout débat ouvert à son sujet. Cet événement s’inscrit dans la campagne permanente de génocide culturel menée par l’Azerbaïdjan suite au nettoyage ethnique de l’Artsakh et aux discours de haine soutenus par cet État appelant à la destruction de l’Arménie.

La rhétorique du régime qui qualifie la République d’Arménie « d’Azerbaïdjan occidental », n’est pas un vain mot. Elle s’accompagne d’une politique systématique de violence, de déni et d’effacement soutenue par un appareil militaire et financier pétri d’arménophobie.  La décision du Vatican de collaborer avec un tel régime n’est pas seulement une faute morale, mais aussi une trahison extrêmement préoccupante de ses valeurs fondamentales. Un immense scandale mine la crédibilité du Saint-Siège en tant que défenseur de la paix, de la justice et de la dignité des peuples persécutés. Elle trahit également les liens spirituels et historiques profonds qui unissent depuis longtemps le peuple arménien et l’Église catholique. Ce lien est désormais menacé par l’opportunisme politique et le gain matériel.

Ces dernières années, le Vatican a développé des relations financières de plus en plus étroites avec le régime autoritaire de l’Azerbaïdjan. Comme l’a rapporté « Irpi-Media », l’Azerbaïdjan a financé des projets de restauration des catacombes romaines, des musées du Vatican, de la Bibliothèque apostolique vaticane et même de la basilique Saint-Pierre. En février 2020, Mehriban Aliyeva, épouse d’Ilham Aliyev et Vice-présidente de l’Azerbaïdjan, a reçu l’Ordre du pape Pie IX, la plus haute distinction pontificale. La décision du Vatican d’honorer le représentant d’un tel régime a, à juste titre, provoqué l’indignation internationale. L’implication de hauts responsables du Vatican dans un acte qui légitime de facto le génocide culturel contre l’Arménie, première nation chrétienne du monde, témoigne d’une profonde faillite morale. Elle est en contradiction flagrante avec les valeurs chrétiennes fondamentales de justice, de vérité et de solidarité, ainsi qu’avec les liens fraternels historiques qui unissent depuis longtemps le peuple arménien et le Saint-Siège.

Nous, soussignés, appelons la communauté internationale à condamner sans équivoque la décision du Vatican d’accueillir cette conférence dans ses locaux à la suite du nettoyage ethnique brutal de 120 000 chrétiens arméniens. En outre, nous exhortons les Églises apostolique, catholique et protestante arméniennes, ainsi que leurs paroisses à travers le monde, le Gouvernement arménien, les institutions d’Arménie et dans toute la diaspora, ainsi que toutes les organisations et partis politiques arméniens du monde entier, à adopter une position ferme et unitaire  en déclarant le cardinal Claudio Gugerotti, le père Mark Lewis et l’évêque Vladimir Fekete « persona non grata ».  Par leur participation ou leur complicité à cet acte de falsification historique et de faillite morale, ils ont perdu toute considération et tout attention auprès des fidèles arméniens.

Ils ne doivent plus être autorisés à entrer en Arménie, ni être reçus dans aucune église, institution ou communauté arménienne. Il ne s’agit pas seulement d’une question politique ou académique, mais une véritable crise morale et spirituelle.  Le silence et l’inaction sont inacceptables.

Les signataires :

https://docs.google.com/document/d/1W_BTluAuP1bAyKj6Z0kCxj5MEjEEuZLE-ZKTrG0QQAU/mobilebasic