Tout ce que ne disent pas Poutine et Aliev

 

Par Vahram ATANESSIAN

1in.am – Erevan, le 2 juillet 2025

Le 1er juillet, l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d’Azerbaïdjan à Moscou, Rakhman Mustafayev, a de nouveau été convoqué au ministère russe des Affaires étrangères où il est resté plus d’une heure. Peu après, un communiqué publié sur le site officiel du ministère russe des Affaires étrangères indiquait qu’on lui avait communiqué une note verbale exigeant la libération immédiate des journalistes russes détenus à Bakou.

Les médias de Bakou avaient rapporté peu avant que deux employés de « Sputnik Azerbaïdjan » eussent été condamnés à quatre mois de détention provisoire par le tribunal régional de Khatayi. Il semble donc que les autorités azerbaïdjanaises aient fait preuve d’une certaine détermination. D’autant plus que le parquet général a, à son tour, ouvert une procédure pénale contre des agents des forces de l’ordre russes pour « usage de la violence » à Ekaterinbourg. Toutefois, cette impression est quelque peu atténuée à la lecture du rapport du ministère azerbaïdjanais de l’Intérieur sur l’affaire pénale contre les employés de « Sputnik Azerbaïdjan ». Selon ce rapport, sept personnes, dont deux sont actuellement en détention, sont soupçonnées de fraude, d’activité entrepreneuriale illégale, de blanchiment d’argent et d’acquisition illégale de biens.  Hier, les médias de Bakou, citant les forces de l’ordre, ont rapporté que deux agents du Service fédéral de sécurité russe ont été arrêtés à Bakou.

Précédemment, nous avions remarqué que si des agents russes du FSB sont démasqués en Azerbaïdjan, il faut supposer que le groupe criminel azerbaïdjanais d’Ekaterinbourg appartient à un réseau d’agents des services spéciaux d’un pays. En règle générale, les États réagissent de manière symétrique à la dénonciation d’espions d’un côté ou de l’autre. Aujourd’hui, il semblerait qu’Ilham Aliev ait fait marche arrière, accusant deux employés russes de « Sputnik Azerbaïdjan » de fraude, d’entrepreneuriat illégal, de blanchiment d’argent et d’acquisition illégale de biens. L’accusation d’espionnage visant « Sputnik Azerbaïdjan » est donc de fait abandonnée. Ce point revêt une importance fondamentale pour Moscou puisque ce média opère également dans d’autres pays de l’espace post-soviétique. L’accusation de démasquer des agents du FSB à Bakou aurait pu inquiéter tous les pays dans lesquels « Sputnik » dispose d’un bureau de correspondant.

Derrière l’escalade russo-azerbaïdjanaise se cache de toute évidence une motivation bien plus profonde qu’il n’y paraît. Certains opposants azerbaïdjanais et commentateurs en exil affirment que pour se libérer de l’influence russe et préserver sa souveraineté, Ilham Aliev devrait accélérer le processus de signature d’un « traité de paix » avec l’Arménie.

Apparemment, une telle perspective aurait été soufflée à Aliev par le président turc Erdogan lors d’une réunion avec lui à Marach, juste avant d’accueillir le Premier ministre Nikol Pachinian. À cet égard, il convient de noter que deux jours après sa conversation téléphonique avec Nikol Pachinian, et avant la rencontre Erdogan-Aliev, le président français Macron ait mené des négociations à distance avec Vladimir Poutine après une pause de trois ans.

Le même jour, Masyuk, directeur adjoint du quatrième département du ministère russe des Affaires étrangères pour les pays de la CEI, a déclaré que « les médiateurs occidentaux autoproclamés forcent Bakou et Erevan à signer un accord prématuré, et cela n’aidera pas la cause ». Le texte de la déclaration du Kremlin concernant l’entretien téléphonique entre Macron et Poutine ne mentionne ni le Caucase du Sud ni le règlement arméno-azerbaïdjanais, mais souligne que les parties ont discuté de la situation au Moyen-Orient. On peut supposer que la situation dans le Caucase du Sud a également été évoquée.

Macron parviendra-t-il à convaincre Poutine que la signature d’un « traité de paix » entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan n’implique pas l’expulsion de la Russie du Caucase du Sud ?

Selon les informations, les parties auraient convenu de poursuivre leurs contacts.

Mais la question reste de savoir si Erdogan parviendra à convaincre Aliev que la normalisation des relations avec l’Arménie ne menace pas son pouvoir « dynastique ».