Le 25 août, les habitants de Berdzor (Latchine), Aghavno et Sous ont fini par quitter leurs maisons. Les trois communes se sont entièrement vidées de leur population suite à l’ultimatum imposé par les Azéris et validé par les soldats de la paix russes.
Que valent les regrets de la dernière heure et les effusions émotives alors que le peuple arménien et ses forces politiques irresponsables ont passé les deux dernières années à chercher un bouc émissaire et à s’accuser mutuellement des conséquences de la défaite ?
Depuis la déclaration tripartite du 9 novembre 2020, le destin de ces trois communes était inévitablement scellé par le point 6 de la déclaration. A moins qu’un travail n’ait été mené en amont pour empêcher l’évacuation de ces villages, à la fois avec la partie russe, la communauté internationale et les Azéris. Et qui était censé mener ce travail ? A l’évidence, tous les Arméniens, la fameuse « trinité » Arménie-Artsakh-Diaspora louée à chaque cérémonie nationale depuis des années par les autorités passées et présentes, la majorité gouvernementale et l’opposition, ainsi que toutes les structures de la diaspora. Mais deux ans après la défaite de 2020, à quoi avons-nous assisté ? Au travail acharné de l’Azerbaïdjan pour la construction d’un nouveau corridor reliant l’Artsakh à l’Arménie, sans consultation de la partie arménienne, et sa détermination à imposer son utilisation un an avant la date limite. Et tout cela avec le consentement tacite de la force russe de maintien de la paix, ainsi que de la communauté internationale, pendant que la « trinité » arménienne passait son temps à se disputer comme dans une cour d’école.
Le gouvernement azerbaïdjanais a déposé une requête provisoire auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) afin d’empêcher les habitants arméniens de brûler leurs maisons et de détruire ou de déplacer des villages du corridor de Berdzor les khatchkars et les monuments de valeur culturelle pour l’Artsakh ou l’Arménie.
Ce n’est pas tant la réponse négative de la CEDH à la requête azerbaïdjanaise qui importe ici, mais plutôt le stratagème de l’Azerbaïdjan visant à accuser les Arméniens de détruire leurs propres valeurs culturelles. Une tactique mise en œuvre de manière très organisée, qui a largement circulé sur les réseaux sociaux azéris.
Dans le même temps, l’Arménie a également fait appel à la CEDH pour dénoncer les attaques armées sanglantes de la partie azérie contre des communes pacifiques et les menaces de déplacement de la population des communautés de Berdzor et d’Aghavno. La CEDH a invité les parties à s’abstenir de telles actions, qui pourraient conduire à la violation des droits de la population civile protégés par la Convention des droits de l’homme. Elle a réaffirmé les verdicts des 29 septembre et 3 novembre 2020 qui ont été rendus sur la base de la demande des autorités arméniennes de faire cesser les attaques azéries contre les civils au début de la guerre.
Quelle valeur peuvent bien avoir aujourd’hui les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, alors que les violations du droit international sont devenues règle courante, notamment de la part de ces superpuissances qui se targuent de faire respecter le droit international entre les nations ? Les décisions de la CEDH serviraient-elles pour avoir la conscience tranquille ? Peut-être. Dans la bataille entre l’Occident et la Russie, les États qui n’ont pas la capacité de se défendre se retrouvent toujours en position de victime et d’opprimé, tandis que les puissances disposant des capacités géopolitiques, militaires et économiques leur permettant d’imposer leur volonté et de faire accepter leurs iniquités. La Turquie et l’Azerbaïdjan en sont les bons exemples.
L’évacuation des habitants de Latchine, Aghavno et Sous était parfaitement prévisible, tout comme la défaite de la deuxième guerre d’Artsakh, au vu de la politique irréfléchie de la classe politique et du manque de la préparation de l’armée.
J. Tch.