VATICAN-AZERBAÏDJAN – Le Vatican signe de nouveaux accords controversés avec l’Azerbaïdjan

Basilique Saint-Pierre du Vatican

Le Vatican a conclu cette semaine plusieurs nouveaux accords de collaboration avec l’Azerbaïdjan, alimentant les critiques sur les relations entre le Saint-Siège et le régime de Bakou, auteur de violations des droits de l’homme contre les Artaskhiotes. Le 9 septembre, un accord a été signé entre le ministère azéri de la Santé et l’hôpital pédiatrique Bambino Gesù du Vatican pour la formation médicale spécialisée, les diagnostics génétiques et la prise en charge de cas complexes. Le lendemain, un accord a été conclu entre la Fondation Heydar Aliev, dirigée par la première dame d’Azerbaïdjan, et la Bibliothèque apostolique vaticane ainsi que les Archives apostoliques pour la numérisation de documents historiques azéris dans les archives vaticanes et la coopération en recherche.

Ces accords s’inscrivent dans le contexte du nettoyage ethnique des Arméniens d’Artsakh et de la destruction de nombreuses églises, sites religieux et cimetières arméniens suite à l’offensive azerbaïdjanaise de septembre 2023 qui a provoqué l’exode forcé de plus de 100 000 habitants arméniens de cette région. L’enjeu revêt une dimension religieuse particulière puisque l’Arménie fut le premier pays à devenir officiellement chrétien en 301 après J.-C.

Les critiques dénoncent l’utilisation par Bakou de ce qu’ils appellent la « diplomatie du caviar », soit l’usage de ressources financières considérables pour s’attirer les faveurs d’institutions et personnalités influentes en Occident. La Fondation Heydar Aliev est largement considérée comme l’instrument principal de cette stratégie. En avril 2025, une conférence organisée à l’Université pontificale grégorienne avait déjà suscité la polémique en présentant une lecture révisionniste de l’histoire, qualifiant des monastères arméniens médiévaux d’ »albanais du Caucase » et accusant les Arméniens d’être des « colons agressifs ». En août 2024, L’Osservatore Romano avait publié un article reprenant cette terminologie fallacieuse, décrivant des régions traditionnellement arméniennes comme « albanaises du Caucase ».

La Fondation Heydar Aliev finance en effet plusieurs projets de restauration au Vatican, notamment la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, les catacombes romaines de Marcellin et Pierre, Commodilla et Saint-Sébastien, la restauration de 3 000 livres et 75 manuscrits à la Bibliothèque apostolique, une statue de Zeus aux Musées du Vatican, et un bas-relief représentant la rencontre entre le pape Léon le Grand et Attila le Hun dans la basilique Saint-Pierre. Selon les médias italiens, ces donations s’élèvent à au moins 640 000 euros, mais un officiel azéri évoquait en 2020 « plus d’1 million d’euros », le chiffre réel pouvant être supérieur.

Plusieurs personnalités clés facilitent ces relations. Le cardinal Claudio Gugerotti, actuel préfet du Dicastère pour les Églises orientales et ancien nonce apostolique en Azerbaïdjan, Arménie et Géorgie de 2001 à 2011, a négocié l’accord bilatéral de 2011 entre le Saint-Siège et l’Azerbaïdjan. Le cardinal Gianfranco Ravasi constitue une autre figure centrale, ayant ouvert la voie aux projets de restauration avec l’accord de 2012 sur les catacombes romaines. Par ailleurs, Mehriban Alieva, première dame d’Azerbaïdjan, et Ilqar Mukhtarov, ambassadeur azéri auprès du Saint-Siège, ont tous deux reçu l’Ordre de Pie IX, ce dernier le 3 avril 2025, à n’en pas douter « pour leurs bons et loyaux services ».

Tandis que le camp arménien critique sévèrement le Vatican pour avoir reçu de l’argent de l’Azerbaïdjan depuis quelque temps et condamne les affirmations azerbaïdjanaises qui déforment l’histoire arménienne, Bakou présente ces initiatives comme un renforcement des relations bilatérales et une preuve de son engagement dans le dialogue interreligieux.

Ces accords s’inscrivent dans une stratégie azerbaïdjanaise de long terme visant à légitimer ses revendications territoriales et à minimiser – pour ne pas dire anéantir complètement – l’héritage chrétien arménien dans les territoires disputés, tout en renforçant son influence au Vatican par des investissements culturels significatifs.

Éditorial