Par Vahram ATANESSIAN
1in.am, Erevan le 4 juillet 2025
L’attaché de presse de Serge Sarkissian, l’ancien député à l’Assemblée nationale Samvel Farmanian, témoigne, vraisemblablement avec l’accord de ce dernier, que le 10 mars 2010, Serge Sarkissian aurait déclaré à Nicolas Sarkozy : « Aidez-nous à signer un accord de non-recours à la force avec l’Azerbaïdjan et forcez l’Azerbaïdjan à signer une déclaration reconnaissant le droit du peuple du Haut-Karabakh à l’autodétermination, et je serai prêt à déclarer que le Haut-Karabakh restituera à l’Azerbaïdjan chaque millimètre-carré de territoire situé en dehors des frontières de la région autonome du Haut-Karabakh».
Précédemment, le président français avait déclaré très ouvertement que si les événements prenaient une autre direction, cela mènerait fatalement à la guerre et que « cela ne serait pas bon pour nos amis arméniens », puis il lui aurait ouvertement posé la question : « votre espoir reposerait-il sur les Russes ? ».
Chaque pays a évidemment ses problèmes et préoccupations, y compris les plus grands.
Plus d’un an après ce dialogue, les présidents arménien et azerbaïdjanais se sont rencontrés à Kazan avec la médiation de la Russie, dans le but de signer un accord sur les principes et les éléments d’un règlement du conflit du Haut-Karabakh. Malgré l’optimisme des médiateurs, aucun accord ne fut trouvé à Kazan. L’interprétation de la partie arménienne à ce sujet est connue : Aliev aurait présenté une dizaine de propositions qui n’avaient pas été négociées en amont de cette rencontre.
De quoi s’agit-il ?
Les choses ne sont pas encore établies aujourd’hui, mais il convient de noter que la soi-disant « version de travail » du document de Kazan, bien qu’elle envisage une définition finale du statut du Haut-Karabakh, ne précise aucun mécanisme pour y parvenir. On peut seulement y lire : « En attendant la détermination du statut du Haut-Karabakh, le Haut-Karabakh reçoit un statut provisoire qui accorde à ses résidents certains droits et privilèges ». Sans plus.
Il est évident que même cette formulation « très générale et vague » était encore inacceptable pour l’Azerbaïdjan ; mais nous ignorions ce qu’Aliev proposait en retour.
Si l’on considère la réponse de Sarkozy aux « conditions préalables » présentées par Serge Sarkissian, on peut considérer que les médiateurs y ont répondu. Le document de Kazan « reconnaît le droit de la population arménienne du Haut-Karabakh à l’autodétermination », mais les médiateurs n’ont pas réussi à forcer Aliev à l’accepter. Cela signifie que les trois coprésidents du Groupe de Minsk, ou seulement l’un des trois, n’ont pas eu le désir « d’exercer une pression » sur Aliev. Il ne s’agit pas d’une critique, ni même d’un reproche adressé à la Russie et à la France. Sarkozy et Medvedev avaient déclaré qu’ils ne fourniraient pas d’assistance militaire à l’Arménie car ils avaient leurs propres problèmes ; ce qui signifie une chose : aucun des deux n’avait l’intention d’aggraver ses relations, ni avec l’Azerbaïdjan, ni avec la Turquie, au nom du droit à l’autodétermination des 150 000 Arméniens du Haut-Karabakh. Mais sans doute le président arménien de l’époque a-t-il répété la même chose : « Je ne peux pas céder le Karabakh à l’Azerbaïdjan les yeux fermés, exposer la population à la menace d’un nettoyage ethnique ». Dès lors, il nous faut peut-être simplement reconnaitre que dès 2010, les médiateurs avaient clairement signifié à l’Arménie que l’alternative à « ne pas céder le Karabakh à l’Azerbaïdjan les yeux fermés » était la guerre, ce qui « serait néfaste pour les Arméniens amis » et que nous serions laissés seuls face à la Turquie.
Demain, le président turc Erdogan se rendra dans la Stepanakert occupée …
Hier, à l’Assemblée nationale arménienne, le député indépendant Hovik Aghazarian a demandé à la Russie de « ne pas céder à nos provocations » [celles de l’Arménie].
Comme chaque citoyen, Hovik Aghazarian peut nourrir de telles « espérances optimistes », mais l’Arménie ne devrait plus jamais être confrontée à la question cruelle et sarcastique de N. Sarkozy : « Nos espoirs reposeraient-ils sur les Russes ? »
Traduction : Sahak Sukiasyan
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