Après avoir appelé au respect de l’autre – “Non, mon frère arménien n’est pas mon ennemi” – et après s’être engagé dans la “Construction de l’État, la mère de toutes les batailles”, plongeons désormais au “cœur du système” pour en comprendre les dysfonctionnements et les réformes indispensables à mettre en œuvre. L’État, cet organe vital, doit être renforcé et stimulé pour fluidifier la relation entre pouvoir et société, le contrat social entre gouvernants et gouvernés, et garantir la souveraineté de l’État quel que soit le régime en place pourvu que la démocratie soit préservée.

Car l’enjeu de la sortie du post-soviétisme contient trois clés :

1. Séparation entre État et régime
2. Lutte contre la corruption endémique
3. Passage d’une administration fonctionnelle à une administration structurelle.

Ces trois points seront abordés dans une prochaine publication.

Pour l’heure, revenons sur le récent voyage d’études que Me Alexandre Armen Couyoumdjian et moi-même avons mené fin juin 2025 en Arménie. Alors que la guerre se déchaînait au sud de l’Araxe entre Israël et l’Iran et que les querelles s’accentuaient avec Etchmiadzine, notre délégation a conduit une quinzaine d’entretiens approfondis au nom d’un groupe de politistes, philosophes, sociologues, entrepreneurs communément appelés “les Indépendants”.

Ces consultations ont fait ressortir une évidence majeure : la comparaison de l’Arménie avec les pays Baltes ont révélé les lacunes accumulées depuis 35 années et surtout l’urgence de les combler avec des experts étrangers et locaux, des professionnels qui connaissent les bonnes pratiques de gouvernance de pays et d’organisations avancés.

Listes des thèmes abordés :

1. Réformer les institutions de l’Etat. L’administration de la République d’Arménie se fonde sur les composantes suivantes : Président de la République, Premier ministre, Ministères. Il y manque cependant une quatrième composante : l’Administration centrale dotée d’organismes consultatifs et de contrôle, comme la Cour des comptes, le Conseil d’État, la Caisse des dépôts et de consignations, le Conseil économique, social et environnemental.
2. Pallier au manque flagrant de cadres et techniciens compétents dans la fonction et les services publiques, des enseignants mieux formés pour le secondaire, en mesure de préparer les jeunes à accéder aux grandes écoles. Celles-ci sont à réformer, Ecole Nationale d’Administration et d’Agronomie ou à créer comme un Institut d’études politiques ou Sciences Po. Le climat positif de coopération entre institutions françaises et arméniennes favorise l’avancement de tels projets.
3. Développer l’activité économique par la recherche de partenariats industriels avec des firmes étrangères du monde de la fabrication, de la construction et des services
4. Renoncer à l’organisation des administrations en silos, à l’origine de faillites industrielles et politiques, et mettre en pratique des organes interministériels efficaces liant entre elles, par exemple, les ministères de la Santé, de la Défense, de l’Intérieur et du Budget.
5. Favoriser une communication et une information fluide et accessible à la population et aux salariés, et plus largement aux expatriés de la Diaspora, en diversifiant les intervenants et les modes de communication télévisuels.
6. Respecter une éthique dans les relations interpersonnelles comme une sorte de charte, malgré les divergences Ne pas voir l’autre comme un ennemi mais comme un membre indispensable du corps social national et de l’équipe de construction de l’État souverain.

L’écoute attentive de nos interlocuteurs et la franchise de nos échanges ont été fructueuses. Il reste bien sûr beaucoup à apprendre et à partager avec le pouvoir exécutif, le Premier Ministre, son chef de cabinet, les juges de la Cour Constitutionnelle, les Présidents des Commissions parlementaires, par exemple celle de l’économie, les Ministres de l’Éducation, de la Santé, etc.

Dans cette même semaine, le Ministre des hautes technologies annonçait la levée de 500M de dollars par un consortium d’investisseurs issus de NVIDIA, Plug & Play, Firebirds, Moderna etc, en vue d’établir un centre de recherche et de développement axé sur l’Intelligence Artificielle. Un professeur de sociologie de l’Université de Paris organise l’arrivée prochaine en France de jeunes étudiants en sciences sociales. Des entrepreneurs à la retraite qui, après avoir cédé leurs entreprises, se mobilisent pour une nouvelle levée de fonds dédiés aux start-up locales de la défense.

Comme le raisin des vignobles d’Arménie, absorbons goulûment les rayons du soleil, et ne nous laissons pas entraîner sur des terrains glissants qui relèvent des querelles d’un autre âge.
Au contraire aidons à développer sainement, le cerveau, le cœur et le courage de cette nouvelle génération de citoyens et de citoyennes d’Arménie qui souhaitent servir et développer leur patrie et leur terre maternelle.

Robert AYDABIRIAN

Paris le 14 juillet 2025