Au 44e jour de l’isolement de l’Artsakh par les pseudo-éco-activistes azéris, l’Union européenne approuvait la décision d’envoyer une mission civile pour surveiller la frontière de l’Arménie et demandait à l’Azerbaïdjan de débloquer le corridor de Berdzor ; tandis que le secrétaire d’État américain exigeait également que l’Azerbaïdjan ouvre d’urgence le corridor afin de rétablir les échanges commerciaux et de prévenir une crise humanitaire. Mais l’Azerbaïdjan, sans s’importuner, a poursuivi son blocus plus de 44 jours. C’est dans cette atmosphère qu’a eu lieu une importante interview dans le cadre de l’émission « Hardtalk » de Stephen Sackur, sur la BBC, avec Ruben Vardanian. Les sujets pointus et épineux ne manquaient pas pour embarrasser ou pour piéger le ministre d’État d’Artsakh sur ses rapports privilégiés avec le président Poutine, afin de dévaloriser les revendications d’autonomie de l’Artsakh. Cependant, Ruben Vardanian, en débatteur bien aguerri, a relevé le défi et a finalement pu réaffirmer le droit de la République d’Artsakh de vivre librement, de se battre pour son autodétermination, d’exercer son droit légal à faire sécession de la dictature azérie, selon les dispositions du droit international.
Un moment remarquable de cette interview fut l’exploitation par Stephen Sackur de la différence d’approche politique de l’État arménien concernant le sort de la République d’Artsakh et celle du gouvernement d’Artsakh, notant que l’Arménie reconnaît désormais l’Artsakh comme faisant partie de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et ne soulève que la question des droits de l’homme et de la sécurité du peuple d’Artsakh. Dans sa réponse, Vardanian a souligné le fait que l’Arménie a déclaré qu’elle acceptait la décision souveraine du peuple d’Artsakh et que l’Artsakh est un État indépendant. Il a aussi réaffirmé sa détermination à se battre pour la reconnaissance de l’indépendance de l’Artsakh, qu’il était prêt à vivre avec l’Azerbaïdjan en bon voisin, mais qu’il n’accepterait jamais le joug tyrannique de celle-ci qui étouffe les libertés fondamentales de son peuple, et donc, une preuve de plus qu’elle respecterait encore moins les droits du peuple d’Artsakh.
Depuis l’indépendance, les relations entre les pouvoirs en Arménie et en Artsakh sont troubles. La stratégie d’établir deux républiques a échoué dès le premier jour, car Yerevan a décidé à la place de l’Artsakh. Même Levon Ter-Petrossian, qui était considéré comme le président le plus instruit et le plus clairvoyant parmi les présidents d’Arménie – prévoyant les conséquences néfastes de l’état de guerre passive -, lui aussi, à l’époque, n’a pas respecté la séparation de pouvoir entre la République d’Artsakh et celle d’Arménie. Il avait nommé le président d’Artsakh de l’époque, Robert Kocharian, comme Premier ministre d’Arménie. Où a-t-on vu le président d’un État, d’un jour à l’autre, devenir le Premier ministre d’un autre État ? La défaite de la guerre des 44 jours a imposé une déviance majeure dans la politique étrangère de l’Arménie, qui dorénavant ne revendique plus l’indépendance de l’Artsakh sur la scène internationale, mais se limite à revendiquer la sécurité de la population du territoire et de son bien-être. Ce qui sous-entend l’acceptation de la souveraineté de l’Azerbaïdjan. Ruben Vardanian, tout en acceptant cet état des choses, a insisté sur la détermination du peuple d’Artsakh à lutter pour vivre librement, et que celui-ci ne sera jamais sous domination azérie.
L’objectif principal du blocus de l’Artsakh par Aliev étant d’expulser la population de l’Artsakh de ses terres ancestrales au moyen de la privation, des armes, de l’intimidation, de l’oppression et de la destruction, la décision de Vardanian en novembre dernier de s’installer en Artsakh, renonçant à sa nationalité russe, est un immense soutien moral aux Artsakhiotes. Un signal fort d’espoir, de courage, de volonté, de résistance. Il est le seul homme, de surcroît oligarque, philanthrope, entrepreneur, visionnaire, à être venu en Artsakh après avoir laissé derrière lui sa richesse pour vivre le même sort impitoyable que la population locale.
Il est clair que malgré les déclarations de bonne intentions, l’Occident ne lèvera pas le petit doigt pour sauver l’Artsakh. Il n’enverra pas d’armes, il n’enverra pas de soldats. L’objectif de l’Occident est d’expulser les Russes du Caucase du Sud. Les Arméniens d’Artsakh et ceux d’Arménie ne doivent pas être victimes de cette grande guerre russo-occidentale. Il ne faut pas être naïf, le salut ne viendra ni des Russes, ni des Occidentaux. Il viendra de la capacité d’auto-défense des Artsakhiotes.
J. Tch.