La Russie, principale absente du procès de la Cour internationale de justice

La Cour internationale de justice (CIJ), le principal organe judiciaire de l’ONU, a tenu des audiences publiques en l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Les audiences étaient consacrées à la demande en indication de mesures conservatoires présentée par la République d’Arménie le 27 décembre 2022 contre l’Azerbaïdjan. Cette cour est la plus haute juridiction internationale, dont le verdict peut être décisif pour contraindre l’Azerbaïdjan à se retirer du corridor de Latchine en application de l’article 6 de l’accord du 9 novembre 2020.

Outre la levée du blocus qui dure depuis plus de 50 jours, ce procès aura également une importance significative pour déterminer le statut du corridor de Latchine du point de vue du droit international. Si les Arméniens cèdent aux pressions de l’Azerbaïdjan aujourd’hui, les restrictions à la libre circulation entre l’Arménie et l’Artsakh pourraient devenir fréquentes et le statut de l’Artsakh aurait également un avenir incertain.

Me Yeghishe Kirakosian, chef du groupe de défense de l’Arménie devant la Cour pénale internationale des Nations Unies, a résumé la situation autour de Latchine, les accusations et les demandes à l’encontre de l’Azerbaïdjan : «L’Arménie s’intéresse au sort des Arméniens vivant au Haut-Karabakh. Nous ne sommes pas venus vers vous le cœur léger, nous espérions que les questions abordées dans notre demande seraient résolues par l’intervention du Conseil de sécurité de l’ONU le 20 décembre 2022, ainsi que par les multiples lettres envoyées au tribunal, mais pensez que l’Azerbaïdjan est déterminé à étouffer les Arméniens du Haut-Karabakh à tout prix. Une personne est déjà décédée faute de soins médicaux, beaucoup risquent de subir le même sort. Les rayons des épiceries sont vides, la nourriture est distribuée sur des coupons, il y a une pénurie de fournitures médicales et de médicaments, le gaz a été coupé à plusieurs reprises, la surcharge d’électricité a forcé des coupures de courant, les écoles et les jardins d’enfants sont fermés, les enfants sont séparés de leurs familles. Malgré cette crise humanitaire, l’Azerbaïdjan continue de fermer la route sous des prétextes environnementaux, viole également son engagement du 9 novembre 2020, et agit ainsi malgré la condamnation internationale quasi-unanime.»

La défense azerbaïdjanaise, citant l’accord du 9 novembre 2020, a souligné que le corridor de Latchine est bloqué par la partie russe, car le couloir est sous leur contrôle, et les écologistes azerbaïdjanais ne présenteraient aucun obstacle au transport des patients, de médicaments et autres biens vitaux, grâce à la médiation de l’organisation internationale de la Croix-Rouge ou de la force russe de maintien de la paix. C’est effectivement la partie russe qui a jusqu’à présent empêché les citoyens d’Artsakh d’utiliser le couloir de Latchine. Il y a six points de contrôle russes le long du corridor, et les écologistes ne sont présents qu’au point de contrôle de Chouchi.

La partie azérie a même accusé l’Arménie de s’être retirée au dernier moment des négociations tripartites avec la partie russe, au cours desquelles devaient être discutées les conditions d’ouverture du corridor. De plus, l’Arménie n’aurait pas participé, car elle ne voulait pas être impliquée dans les négociations avec les autorités de l’Artsakh.

Au sujet des écologistes enrôlés par l’État azéri, et de leurs photos en uniformes militaires trouvées sur les réseaux sociaux, la défense a déclaré que c’est un droit civil des citoyens azéris de défendre l’écologie, de manifester. Des droits reconnus et défendus par la constitution. Elle a qualifié les accusations de discrimination et de nettoyage ethnique non fondées, car aucune interdiction de voyager n’a été imposée par la partie azérie. Il n’y a donc, selon elle, pas de catastrophe humanitaire et la demande de mise en œuvre de la mesure provisoire de l’Arménie doit être annulée.

Quel verdict le tribunal rendra-t-il, compte tenu du fait que l’accusé, l’Azerbaïdjan, accuse à son tour la Russie, et que l’Arménie passe sous silence complètement le rôle de la Russie devant le tribunal ? Bien qu’elle lui reproche dans les relations interétatiques de ne pas remplir ses obligations d’allié stratégique.

J. Tch.