Droit international, valeurs humaines et usage de la force

Jean-Christophe Buisson, rédacteur en chef adjoint du Figaro Magazine, a, en deux lignes, le mieux évalué la Conférence de Munich sur la sécurité (CMS). «Munich est passé et… il ne s’est rien passé pour les 120.000 #Armeniens d’#Artsakh bloqués, enfermés dans leur propre pays depuis maintenant 70 jours par les Azéris. Aucune initiative humanitaire, quelques déclarations, rien de concret. Le monde se tait, s’en fout. #honte.»

Lors de la CMS, Aliev a fièrement annoncé que «l’Azerbaïdjan a repris possession des territoires occupés par l’Arménie par la guerre», alors que les négociations n’avaient donné aucun résultat concret pendant près de 30 ans. Le dictateur, blanchisseur d’argent, reconnu comme tel par les organisations de défense des droits de l’homme, a menacé qu’il n’est pas prêt à négocier tant que «l’oligarque criminel russe,  blanchisseur d’argent», alias Ruben Vardanian, ne quittera pas « nos terres ». Pashinian était lui mesuré dans sa réponse. Il a expliqué que la déclaration du 9 novembre, sur laquelle se trouve la signature d’Aliev, reconnaît l’existence du territoire du «Haut Karabakh». Pashinian est cependant resté muet aux propos diffamatoires tenus à l’encontre de Ruben Vardanian.

Étonnamment, ce qu’Aliev a annoncé n’a surpris, n’a bouleversé ou inquiété personne, malgré le fait qu’il y ait eu des expressions de violation du droit international et des droits de l’homme. Ce qui est surprenant, c’est le silence de l’Occident face à l’arrogance d’Aliev. Pachinian a eu la sagesse de ne pas réagir et de le discréditer ouvertement, car toute insulte adressée à un dictateur peut avoir des conséquences graves et imprévisibles à la frontière de l’Arménie, auxquelles l’Occident ne s’opposera pas d’une manière ou d’une autre. Tant que le secrétaire d’État américain Blinken annonce que les deux parties en conflit sont en négociations, mettant l’égalité entre les deux, fermant les yeux sur tous les péchés d’Aliev – les violations du droit international, les violations des valeurs humaines, les crimes de guerre –, l’Occident reste un allié indigne de confiance. Il ne faut compter que sur soi-même, sur ses propres forces. 

Le troisième des trois principes fondamentaux du Groupe de Minsk de l’OSCE sur le conflit arméno-azéri était celui de l’exclusion du recours à la force. Et l’Azerbaïdjan a recouru à la force lors de la guerre de 44 jours en 2020. Et l’Occident est resté silencieux. Il n’a pas respecté le principe qu’il avait défini. Comment se fier à la parole des Occidentaux ou de la Russie ? Face à ces faits, il faut naturellement être plus prudent, plus suspicieux de l’amitié de l’Occident, plutôt que de l’hostilité de l’Azerbaïdjan. On sait que l’ennemi est l’ennemi, mais celui qui prétend être un ami, et qui ne vous aide pas dans les moments difficiles, qui fait de fausses promesses, est plus dangereux. Tout comme l’Arménie aurait dû avoir la même vigilance vis-à-vis de l’alliance stratégique de la Russie, que ce soit pendant la guerre de quatre jours de 2016, en 2020, en mai 2021 ou en septembre 2022, les Russes ayant fermé les yeux sur les guerres déclenchées par l’Azerbaïdjan, sur la saisie des territoires souverains de l’Arménie, par la force, afin de mettre en œuvre le projet d’ouverture du corridor. La Russie permet en toute impunité à l’Azerbaïdjan de bloquer le corridor de Berdzor, et non à mettre en œuvre l’accord du 9 novembre. L’Occident est tout aussi coupable de ne pas être allé au-delà des déclarations pour forcer l’Azerbaïdjan à ouvrir le couloir, à libérer les prisonniers de guerre, à se retirer du territoire souverain de l’Arménie, à poursuivre les crimes de guerre et à permettre de visiter aux enquêteurs de l’UNESCO dans les territoires occupés de l’Artsakh.

J. Tch.