L’impératif du développement économique

La Cour internationale de justice (CIJ) a rendu son verdict en faveur de l’Arménie, demandant à l’Azerbaïdjan d’assurer la libre circulation dans le corridor de Berdzor. Cependant, le corridor reste bloqué. Les grandes puissances à leur tour avaient déjà condamné le blocage du corridor, en vain. Bien qu’il y ait une décision de la CIJ, il n’y a pas d’organe pour assurer sa mise en œuvre. Et puisque la demande de l’ouverture du corridor de Syunik par la Russie, l’Azerbaïdjan et la Turquie contredit la décision de la CIJ, il y a des négociations actives entre ces trois pays au niveau de la présidence et des ministères des affaires étrangères. Pour cette raison, le succès judiciaire obtenu par l’Arménie reste sans effet tant qu’il n’y a pas l’intention d’imposer des sanctions américaines ou européennes à l’Azerbaïdjan, en particulier pour forcer l’ouverture du corridor.

Pourquoi l’Arménie, malgré l’alliance sympathique de l’Occident, malgré une alliance stratégique avec la Russie, reste-t-elle impuissante et sans défense face à la force turco-azérie ? Beaucoup blâment l’incompétence politique de l’Arménie, l’inexpérience de sa diplomatie, la non-possession de champs pétroliers. Pour certains, la raison est que le pays dépendait exclusivement de la Russie jusqu’en 2018, et pour d’autres, c’est plutôt le fait d’avoir choisi le camp Occidental depuis la révolution «de velours». Malgré l’énorme danger existentiel auquel sont confrontés l’Arménie et l’Artsakh, le danger quotidien de la guerre, l’économie arménienne connaît étonnamment une croissance exceptionnelle, à cause de la guerre russo-ukrainienne et certaines réformes systémiques de l’administration de l’État réalisées avec le soutien des États occidentaux.

Bref, l’échec de l’Arménie sur le terrain politique et militaire s’accompagne d’un succès dans le domaine économique. Une réalisation très importante qui est souvent négligée par les commentateurs politiques. À l’origine des échecs politiques et militaires de l’Arménie, se trouve aussi l’échec sur le plan économique depuis l’indépendance, qui se traduit par l’achat d’armes bon marché, par l’incapacité de construire des réseaux de transport stratégique Sud-Nord, par l’absence d’une économie développée et avancée, l’incapacité de conclure des partenariats et des coopérations commerciales avec les grandes entreprises occidentales. L’Arménie, contrairement à la période soviétique, n’a pas su valoriser son développement scientifique, intellectuel et artistique d’antan. Ce qui explique le fait qu’elle a essentiellement exporté de la main-d’œuvre, qui a causé son déclin démographique.

L’Occident collabore avec l’Azerbaïdjan en raison de la crise énergétique dans laquelle il se trouve submergé, suite aux sanctions contre la Russie. L’Azerbaïdjan a gagné la guerre de 2020 en raison de ses ressources financières qu’elle a engrangées de son industrie pétrolière et gazière. Par conséquent, le développement économique de l’Arménie reste un facteur essentiel de son indépendance, afin de défendre ses intérêts honorablement sans attendre d’être défendue de la part de la communauté internationale.

La dépendance poussée de l’économie arménienne envers la Russie, présente un grand danger. Il lui faut absolument chercher de nouveaux partenaires économiques. Cette année aussi, le président Macron a offert à l’Arménie une opportunité exceptionnelle pour développer les relations économiques en organisant le 24 février le Sommet économique France-Arménie à Paris, à la Chambre de commerce et d’industrie, avec la participation du ministre arménien de l’Économie, Vahan Keropyan. L’an dernier, le 9 mars, une rencontre similaire avait été organisée sous l’appellation «Ambitions France – Arménie ».

V. Kerobyan a raisonnablement souligné le fait que l’amitié et la coopération politique entre la France et l’Arménie sont de premier ordre, mais que les échanges économiques ne reflètent pas du tout cette excellence. Ils sont en deçà des dix premiers pays sur le plan commercial et donc, ont un grand besoin à se développer.

Ici, il convient d’aborder les manquements de la communauté arménienne de France. Tout d’abord, l’image divisée qu’elle présente, l’absence de certaines forces politiques importantes à cette initiative d’importance stratégique, la détérioration inutile des relations entre le gouvernement arménien et le CCAF, l’hostilité insensée envers le Haut commissaire de la diaspora, le manque général d’information, l’absence de propositions de partenariat économique. Une image aussi divisée, à un moment aussi fatidique pour l’indépendance et l’existence de l’Arménie et de l’Artsakh, révèle un grand échec de la réflexion stratégique..

J. Tch.