Ne négocier qu’au sujet de l’indépendance de l’Artsakh

Avant même que la page du blocus des «écologistes pacifiques» azéris du corridor de Latchine soit tournée, l’attaque armée sanglante du 5 mars a aggravé la crise humanitaire que subit la population d’Artsakh depuis plus de trois mois. Cette attaque prédit le prélude d’opérations militaires à grande échelle. Le Premier ministre Pachinian et le ministre des Affaires étrangères Mirzoyan avaient tous deux exprimé, à plusieurs reprises, la crainte d’une telle opération de la part de l’armée azerbaïdjanaise. Heureusement, l’attaque de l’Azerbaïdjan n’est pas restée sans réponse. Comme lors de l’attaque contre l’Arménie le 13 septembre, les garde-frontière artsakhiotes ont riposté à l’attaque surprise des Azéris, et ce sont les casques bleus russes qui sont venus à la rescousse de ces derniers.

Sans que soit mis en œuvre la décision de la Cour internationale de justice des Nations unies, qui avait ordonné la levée du siège de l’Artsakh, l’attaque sanglante azérie démontre la détermination d’Aliev dans son projet d’exterminer la population de l’Artsakh, de l’expulser de force de son territoire historique. Un tel développement, après la réunion tripartite avec le secrétaire d’État américain Blinken à la Conférence de Munich sur la sécurité, prouve également que l’Azerbaïdjan a de grandes garanties d’impunité, tant de la part de l’Occident que de la Russie.

En 2022, la Russie était au sommet de sa puissance. La Crimée était conquise sans effusion de sang. La superpuissance militaire russe avait enregistré des victoires en Syrie et en Libye. Sûre de sa puissance, Poutine est ainsi passé à la réalisation de son grand rêve : celui de rétablir l’Empire russe. Il avait chassé le groupe de Minsk du Caucase du Sud, s’alliant avec la Turquie. Il avait forcé Aliev et Pachinian à signer le cessez-le-feu tripartite du 9 novembre 2020, qui a permis l’entrée d’un régiment russe de maintien de la paix en Artsakh. Après avoir assuré la soumission de l’Arménie, de l’Artsakh et de l’Azerbaïdjan, après avoir discrédité les co-présidents américains et français du groupe de Minsk par la bouche d’Aliev, Poutine s’est lancé à renverser le gouvernement pro-occidental de l’Ukraine. Si l’Occident s’était opposé à la violation des droits de l’homme d’Aliev dans la guerre d’Artsakh, s’il avait condamné ses crimes de guerre et veillé au respect du principe de «la prohibition de l’usage de la force» – le troisième des principes fondamentaux de Madrid -, la Russie aurait abordé sa grande aventure guerrière en Ukraine avec plus de circonspection.

Aujourd’hui, la protection des droits de l’homme se heurte aux ambitions de reconstruction des empires d’antan par les dictateurs. Poutine veut la renaissance de l’Empire russe, Erdogan veut le renouveau ottoman, Aliev veut la reconquête du soi-disant «Zangezour occidental» et de «l’Azerbaïdjan occidental», Israël, le grand Israël… L’Occident, défenseur des droits de l’homme, n’est pas à l’abri de telles ambitions, notamment les USA – à travers l’OTAN -, afin de renforcer sa position de première puissance mondiale.

La lutte de l’Artsakh pour sa survie est incontestablement une lutte de libération nationale et d’autodétermination. Après la conférence de Munich, suite aux menaces d’Aliev, le ministre d’État Ruben Vardanian a été démis de ses fonctions. Les négociations Azerbaïdjan-Artsakh ont repris avec la médiation de la partie russe, mais néanmoins, elles ont conduit à l’assassinat de trois policiers d’Artsakh et à la blessure mortelle d’un autre. L’inactivité des casques bleus russes et la neutralité des puissances occidentales empêchent toute solution par le biais du processus de négociation. La légitime défense reste la seule alternative. La déclaration du président de l’Artsakh suggère cette option : ne négocier qu’au sujet de la réalisation du droit à l’autodétermination de l’Artsakh.

J. Tch.