Des responsables artsakhiotes échangent sur les impacts sécuritaires et humanitaires de 100 jours sous blocus

Marquant les 100 jours sous blocus imposé par l’Azerbaïdjan qui entrave la libre circulation le long du corridor de Latchine, l’unique route reliant l’Artsakh au monde extérieur, le ministre d’État d’Artsakh Gourguen Nersissian, le Défenseur des droits de l’Homme Ghegham Stepanian et le ministre des Affaires étrangères Sergueï Ghazarian ont tenu une conférence de presse le jeudi 23 mars pour faire un état des lieux de la crise sécuritaire, énergétique et humanitaire créée par le blocus.

Malgré l’ordonnance contraignante rendue par la Cour internationale de justice des Nations Unies le 22 février 2023, engageant l’Azerbaïdjan de lever le blocus et d’assurer la circulation sans entraves des personnes, des véhicules et des marchandises le long du corridor de Latchine, celui-ci a ignoré l’ordonnance du tribunal et a, au contraire, intensifié ses agressions contre le peuple artsakhiote. Au cours des dernières semaines, l’Azerbaïdjan a fait preuve de multiples violations du cessez-le-feu, intensifié ses attaques contre des personnes et infrastructures civiles, a assassiné trois policiers artsakhiotes dans une embuscade le 5 mars 2023. Par ailleurs, les autorités azerbaïdjanaises menacent ouvertement de recourir davantage à la force et au nettoyage ethnique contre le peuple d’Artsakh.

La vidéo complète de la conférence de presse peut être consultée ici et une courte vidéo présentant les développements du blocus peut être consultée ici en quatre langues.

Ci-dessous, des extraits de chaque intervention à la conférence de presse :

Ministre d’État Gourguen Nersissian

« Les réserves alimentaires en Artsakh sont presque au bord de l’épuisement car l’Artsakh est sous blocus depuis plus de 100 jours. Le gouvernement ne peut laisser sans aide les groupes sociaux les plus vulnérables. Nous nous efforçons de fournir à la population le minimum de farine et de produits alimentaires de base. Les supermarchés et magasins d’alimentation ne disposent de la plupart des produits de première nécessité. La priorité absolue du gouvernement est d’essayer de venir en aide aux plus vulnérables. Nous ne pouvons compter que sur le soutien de la Croix Rouge et forces russes de maintien de la paix. Sans leur soutien, nous aurions eu une situation catastrophique en Artsakh depuis longtemps.

“Nous devons comprendre que d’une part, l’Azerbaïdjan essaie de se présenter comme un partisan de la paix dans ses contacts avec la communauté internationale, mais d’autre part, il met en œuvre une politique de nettoyage ethnique contre le peuple de l’Artsakh. L’Azerbaïdjan veut le territoire de l’Artsakh sans le peuple d’Artsakh.

Malheureusement, l’Azerbaïdjan, qui maintient l’Artsakh sous blocus depuis 3 mois, n’a pas été objectivement critiqué par la communauté internationale. Il a profité de la passivité et de l’inaction de la communauté internationale pour intensifier ses manœuvres. Néanmoins, l’Azerbaïdjan reste impuni, ce qui lui ouvre la voie à de nouvelles violations ».

Défenseur des droits de l’Homme Guegham Stepanian

« Pas un seul citoyen d’Artsakh ou véhicule lui appartenant n’a circulé librement le long de la route bloquée. Les rares passages ont été accompagnés sans exception par la Croix Rouge et les forces russes de maintien de la paix. Alors qu’en temps normal, dans un intervalle de 100 jours près de 245 000 sorties et entrées étaient enregistrées en Artsakh, depuis le début du blocus à ce jour seuls 1 376 mouvements de personnes dans les deux sens ont été enregistrés, soit 178 fois moins. Il en va de même pour les véhicules : au lieu de 92 000 sorties et entrées, 2 154 mouvements de véhicules ont été enregistrés, là encore uniquement par la Croix Rouge et les forces russes de maintien de la paix. Et au lieu d’importer 40 000 tonnes de marchandises pour ce même intervalle en période normale, 11 fois moins de marchandises ont été importées, toujours par l’intermédiaire de la Croix Rouge et des forces russes, soit 3 707 tonnes seulement depuis le début du blocus. L’approvisionnement de l’Artsakh en électricité est interrompu depuis 73 jours. L’approvisionnement en gaz est interrompu régulièrement, pour une durée totale de 36 jours, privant la population du principal moyen de chauffage et de cuisson. Le blocage et la perturbation délibérée des infrastructures vitales, le recours à la force et à la menace de la force sont utilisés par l’Azerbaïdjan dans le but explicite d’un nettoyage ethnique du peuple d’Artsakh, sur la base de la politique d’Etat de discrimination raciale et de haine anti-arménienne. Il convient de noter que l’Azerbaïdjan n’a pas mis en œuvre l’ordonnance contraignante de la Cour internationale de justice des Nations unies, sans qu’il soit soumis à une réaction ou à une sanction appropriée de la part de la communauté internationale. »

Les faits détaillés présentés par le défenseur des droits de l’Homme peuvent être consultés par ce lien :

Ministre des Affaires étrangères Sergueï Ghazarian

« L’Artsakh poursuit la lutte pour la reconnaissance internationale du droit à l’autodétermination réalisé. Nous sommes toujours ouverts au dialogue avec la partie azerbaïdjanaise, mais à ce stade, notre priorité est de discuter du problème du déblocage du couloir de Latchine et de résoudre celui-ci. Quant aux questions relatives au règlement global du conflit, il n’est possible de les aborder que dans un format international approprié. L’un des éléments importants en est la présence de garanties internationales pour la mise en œuvre des accords car l’Azerbaïdjan a même violé les accords conclus sous la médiation des coprésidents du groupe de Minsk de l’OSCE. Nous attachons également de l’importance à l’accroissement de l’inclusion internationale de l’Artsakh et saluons toutes les mesures prises dans cette direction. »

Rappel des faits

Depuis le 12 décembre 2022, l’Azerbaïdjan bloque la libre circulation des personnes, des véhicules et des marchandises, à l’exception du Comité international de la Croix Rouge et des forces russes de maintien de la paix, le long du corridor de Latchine, l’unique route reliant l’Artsakh au monde extérieur. Pour accentuer davantage la crise humanitaire causée par ce blocus, l’Azerbaïdjan cible les infrastructures civiles de l’Artsakh, interrompant régulièrement l’approvisionnement en gaz de l’Artsakh depuis l’Arménie et arrêtant complètement son approvisionnement en électricité depuis le 9 janvier. À la suite des crimes terroristes de l’Azerbaïdjan, les 120 000 habitants de l’Artsakh subissent de graves pénuries de produits alimentaires, de médicaments, de carburants et de nombreux autres produits de première nécessité. Ils rencontrent de graves problèmes liés au chauffage, à l’éducation, à l’accès à des soins médicaux et dans d’autres domaines de la vie courante. Le blocus crée ainsi une grave crise humanitaire et est source de violations en masse des droits de l’Homme fondamentaux.

Les détails de l’impact du blocus sont présentés dans le récent rapport du Défenseur des droits de l’homme d’Artsakh « Sur les violations des droits de l’Homme individuels et collectifs résultant du blocus de l’Artsakh (Haut-Karabagh) par l’Azerbaïdjan depuis 100 jours ».

Depuis le début du blocus, de nombreux pays et organisations internationales ont condamné les agissements de l’Azerbaïdjan et appelé à la levée du blocus. Cette question a également été discutée au Conseil de sécurité de l’ONU. Le Parlement européen a à son tour adopté une résolution sans équivoque sur les conséquences humanitaires du blocus d’Artsakh.

La Cour européenne des droits de l’homme a ordonné à l’Azerbaïdjan de prendre toutes les mesures nécessaires et suffisantes pour mettre fin au blocus. La Cour internationale de justice des Nations Unies (La Haye), dans le cadre des travaux du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, a ordonné à l’Azerbaïdjan de lever le blocus et d’assurer la libre circulation des personnes, des véhicules, et des marchandises le long du corridor de Latchine. Cependant, l’Azerbaïdjan n’a à ce jour rien entrepris pour mettre en œuvre la décision de la plus haute instance judiciaire internationale, mais de plus, commet de nouvelles violations des droits des Artsakhiotes, comme l’assassinat le 5 mars dernier de 3 policiers artsakhiotes dans une embuscade, et exacerbe constamment la situation en recourant à la force et à la menace de la force.