Les risques de la reconnaissance de la compétence de la Cour pénale internationale

Une question que l’on entend souvent revenir dans le débat public est de savoir pourquoi le gouvernement arménien n’attaque pas Ilham Aliev devant la Cour pénale internationale pour ses crimes de guerre, ses discours de haine, sa violation des Conventions de Genève pour la protection des droits humains internationaux pendant la guerre et les clauses de l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, ainsi que le blocage du corridor de Berdzor depuis le 12 décembre dernier par de pseudos écologistes, malgré l’arrêt de la Cour internationale de justice.

Et le jour où le président de la Cour constitutionnelle d’Arménie, Arman Dilanian, a annoncé que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale correspond bel et bien à la Constitution de l’Arménie, une tempête a éclaté dans la vie politique arménienne. Toutes les forces pro-russes, en particulier l’opposition parlementaire, se sont indignées sur toutes les plateformes publiques, médiatiques et politiques à l’approbation de la loi par l’Assemblée nationale, arguant que selon cette loi, l’Arménie serait forcée d’arrêter et d’extrader Vladimir Poutine s’il se rend en visite en Arménie. Et lors de la discussion autour de cette question au « Comité permanent sur les questions juridiques d’État », Mher Sahakian, le représentant de la faction « Hayastan », a frappé le président du Comité, Vladimir Vardanian, avant de prendre la fuite. La situation est des plus tendues.

Naturellement, la Russie n’a pas tardé à exprimer son opposition à la décision du gouvernement arménien de reconnaître la compétence de la Cour pénale internationale. Pendant la guerre, la Russie – en tant qu’alliée et que membre de l’OTSC – n’est pas venue en aide à l’Arménie, mais à présent que l’Arménie a la possibilité de présenter les crimes d’Aliev devant la Cour pénale internationale, la Russie impose des restrictions à son petit allié. Voilà où en est l’Arménie. Après des années à reproduire les méthodes totalitaires et corrompues du gouvernement russe, l’Arménie doit faire face à des menaces et à des pressions inacceptables lorsque vient le moment de prendre des décisions de manière souveraine.

Si les régimes dictatoriaux ont leur propre mode de fonctionnement inhumain, cela ne veut pas pour autant dire que les États qui se considèrent démocratiques sont plus justes dans leurs approches. Les tribunaux internationaux ne sont pas exempts d’influences politiques. Naturellement, on ne peut pas vraiment s’attendre à ce qu’un verdict équitable soit rendu dans cette affaire. Et la question est même de savoir s’il pourrait être mis en œuvre après avoir été rendu…

Il n’est plus nécessaire de prouver l’attitude bienveillante de l’Occident envers le président de l’Azerbaïdjan. Le gouvernement arménien doit absolument saisir la Cour pénale internationale pour constater la violation des droits humains fondamentaux du peuple arménien. Et si un verdict est rendu en faveur de l’Arménie, tous les efforts doivent être faits pour qu’il soit mis en œuvre.

A ce titre, il convient de rappeler des précédents où les jugements des tribunaux internationaux rendus en faveur des Arméniens n’ont pas été exécutés. En 1919, à la fin de la Première Guerre mondiale, les Alliés ont forcé l’Empire ottoman à condamner les auteurs des crimes contre les Arméniens devant des tribunaux militaires, mais les verdicts n’ont jamais été exécutés. Il convient également de rappeler l’arrêt rendu par la Cour internationale de justice des Nations unies le 7 décembre dernier concernant la mise en œuvre des mesures urgentes présentées par l’Arménie sur « l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale », qui n’a pas été mise en œuvre jusqu’à présent.

La semaine dernière, le 28 mars, l’Arménie a été de nouveau invitée à participer au « Sommet pour la démocratie » organisé pour la seconde fois à l’initiative du président américain, Joe Biden. Le Premier ministre arménien a accepté la déclaration finale avec réserve, car elle ne condamnait essentiellement que l’attaque russe contre l’Ukraine, sans mentionner l’attaque de l’Azerbaïdjan contre les territoires souverains de l’Arménie et la décision condamnant les crimes de guerre.

J. Tch.