L’Azerbaïdjan est toujours membre de l’Union soviétique

 

Par Vahram ATANESSIAN

Lors d’une conférence de presse tenue à l’issue de la « Conférence juridique internationale » qui s’est récemment déroulée à Saint-Pétersbourg[1], le conseiller du président russe Anton Kobyakov a déclaré que « la dissolution de l’Union soviétique n’était pas juridiquement légale ». Selon lui, l’U.R.S.S. a été fondée lors du Congrès des Soviets et aurait dû être dissoute par le Congrès des députés du peuple, ce qui n’a pas été le cas. Le conseiller présidentiel russe a également déclaré que les Soviets suprêmes des républiques de l’Union n’avaient pas compétence pour ratifier ce traité de dissolution de l’U.R.S.S.

 Selon l’agence TASS, en échos aux propos de Kobyakov, Nina Ostanina, la présidente du Comité de la protection de la famille de la Douma d’État russe et membre de la faction communiste au parlement[2], a déclaré que lors du référendum du 17 mars 1991, la majorité de la population de l’URSS avait voté en faveur du maintien d’un État unitaire unique[3]. Elle a repris l’idée que la dissolution de l’U.R.S.S. était illégale, et que les députés de la Douma d’État étaient prêts à soulever cette question. Le problème est ainsi formulé en termes politiques : le président russe et la Douma d’État sont du même avis concernant la question du caractère illégal de la dissolution de l’URSS. Tout le reste, n’est qu’une question de temps et de méthode. Et ce d’autant plus qu’Anton Kobyakov a déclaré que d’un point de vue juridique, « la guerre russo-ukrainienne n’est pas un conflit international, mais interne ». Si l’on traduit son propos dans un langage diplomatique, Kobyakov n’exclut pas totalement que la Russie puisse connaitre un « conflit interne » similaire avec une autre ancienne république soviétique. Ce ne sont sûrement pas des « propos en l’air », mais l’annonce d’une évolution très probable dans ce sens. Pour parer à toute éventualité, les trois États baltes se sont protégés par la décision du Congrès des députés du peuple de l’U.R.S.S. reconnaissant le « Pacte Molotov-Ribbentrop » comme contraire au droit international et nul et non avenu, et aussi en adhérant à l’O.T.A.N. et à l’Union européenne. Mais de quelle « armure » l’Arménie dispose-t-elle de ce point de vue ?  Comme on le sait, le 3 avril 1990, la loi définissant la procédure de retrait d’une république fédérée de l’U.R.S.S. est entrée en vigueur ; ce qui a donné aux républiques fédérées le pouvoir d’organiser un référendum sur l’indépendance de l’U.R.S.S. En vertu de cette loi, l’Arménie n’a pas participé au référendum sur le maintien de l’Union soviétique, mais elle a décidé d’organiser un référendum sur son indépendance. Il a eu lieu le 21 septembre 1991. A son issue, l’Arménie a été déclarée indépendante de l’U.R.S.S. Si la Douma d’État russe reconnait comme illégale la décision de 1991 de dissolution de l’U.R.S.S., les résultats du référendum du 17 mars n’auront pas de force juridique contre l’Arménie, puisqu’elle n’avait pas participé à ce référendum. Ce droit avait été alors entériné par les plus hautes autorités de l’U.R.S.S. Contrairement à l’Arménie, l’Azerbaïdjan avait participé au référendum sur le maintien de l’U.R.S.S. et avait  dit « oui » à la préservation d’un état unitaire unique à environ 90 pour cent. Lorsque le 18 octobre de la même année, il a  adopté la loi constitutionnelle « sur la restauration de l’indépendance de l’État », l’Azerbaïdjan n’a pas organisé de référendum pour se rendre indépendant de l’U.R.S.S. De ce fait, il n’a été reconnu comme indépendant qu’après l’effondrement de l’U.R.S.S. En conséquence, si l’on doit se fonder sur des principes purement juridiques, il convient de noter que l’Azerbaïdjan est toujours à ce jour une République socialiste soviétique au sein de l’URSS. D’ailleurs, tous les pays d’Asie centrale où aucun référendum sur l’indépendance n’avait eu lieu, ont également ce même statut. Les opinions exprimées par Kobyakov et Ostanina  laissent supposer que, si ce n’est pas « ni ici, ni maintenant », Moscou mettra dans un avenir prévisible à l’ordre du jour la question de l’illégalité de la dissolution de l’U.R.S.S.  L’Arménie doit d’ores et déjà se préparer  à cette « bataille » juridique et politique à venir.

Traduction : Sahak SUKIASYAN

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[1] Du 19 au 21 mai.

[2] Elle fait partie des 324 députés de la Douma d’État sanctionnés par le Trésor américain en mars 2022 en réponse à l’invasion russe de l’Ukraine. La même année, pour des raisons similaires, elle est également  l’objet de sanctions du gouvernement britannique.

[3] 17 mars 1991, s’était tenu un référendum sur le maintien d’une « Union rénovée ». 80 % des Soviétiques avaient participé au scrutin, mais six Républiques sur quinze – les trois pays baltes, la Moldavie, la Géorgie et l’Arménie- avaient légalement refusé de l’organiser. Le « oui » avait recueilli 76 % des suffrages.