Par Vahram Atanessian
1in.am, Erevan, le 17 juin 2025
Nous apprenons par la presse que des sessions plénières de l’Assemblée ecclésiastique et de l’Assemblée des laïcs du Catholicossat de la Grande Maison de Cilicie se sont tenues à Beyrouth du 10 au 14 juin. Les responsables de tous les diocèses du Catholicossat et des représentants des institutions nationales ont été conviés à cette réunion. Les directeurs de toutes les institutions dépendant du Catholicossat et des organes de sa juridiction étaient également présents pour rendre compte de leurs activités.
Selon les termes du communiqué diffusé à cette occasion, lors de l’examen du point de l’ordre du jour intitulé « les relations entre les sièges hiérarchiques et la République d’Arménie », on « a tout particulièrement débattu de l’attitude agressive des autorités arméniennes envers le Catholicos de tous les Arméniens et le haut clergé de Saint Etchmiadzine » et noté que « l’étude de cette question à travers des interventions de ce type était contraire à la Constitution ».
Le Catholicossat de la Grande Maison de Cilicie élargit ainsi le «périmètre du conflit » et recontextualise la question dans le cadre plus large des relations entre les sièges hiérarchiques de la Sainte Église apostolique arménienne et de la République d’Arménie.
L’Église apostolique arménienne compte quatre sièges hiérarchiques : Saint Etchmiadzine, le Catholicossat de la Grande Maison de Cilicie, et les Patriarcats arméniens de Jérusalem et de Constantinople. Ainsi, lorsque le Catholicossat de la Grande Maison de Cilicie dénonce « l’attitude agressive des autorités arméniennes envers le Catholicos de tous les Arméniens et le haut clergé de Sainte-Etchmiadzine , il se considère également concerné, tout comme les patriarcats arméniens de Jérusalem et de Constantinople.
De plus, le communiqué de presse est diffusé au moment même où une guerre se déroule au Moyen-Orient, guerre au sujet de laquelle, cependant, il n’y a qu’une seule allusion très générale dans le document adopté par Antélias.
À la fin des travaux, le Catholicos de la Grande Maison de Cilicie, Aram Ier, a souligné la nécessité de « s’unir autour de valeurs et d’idéaux supérieurs communs, face aux défis auxquels sont confrontés notre Patrie et notre nation, tout en se tenant à l’écart des mesures qui provoquent une polarisation interne »
Depuis une semaine, la vie intérieure de l’Arménie s’écoulait sans que ni le Premier ministre Nikol Pachinian, ni la majorité politique de l’Assemblée nationale et ses représentants, ni la presse n’aient manifesté une quelconque « attitude agressive » à l’égard du Catholicos de tous les Arméniens et du haut clergé d’Etchmiadzine. Les « passions » autour de cette question s’étaient également estompées sur les réseaux sociaux. Soudain, est tombée cette déclaration d’Antélias, au moment où l’archevêque Mikayel Atchabahian, primat du diocèse de Chirak, relançait le sujet et accusait cette fois directement les autorités de vouloir « dissoudre » le diocèse d’Artsakh de l’Église apostolique arménienne en « abandonnant » les églises et les monastères sur le territoire de l’Artsakh, en « reconnaissant » le patrimoine historique et culturel comme azerbaïdjanais. Selon lui « le clergé ne pouvait rester silencieux » devant tout cela.
On aurait pu ne pas s’intéresser à ces manifestations de propagande si une tendance extrêmement dangereuse n’avait été observée. Ces derniers jours, la presse et les réseaux sociaux ont avancé l’idée « qu’on s’activerait à reconnaître le Patriarcat arménien de Constantinople comme centre de la Sainte Église apostolique arménienne ».
Cette théorie est née d’une lettre attribuée au patriarche de Turquie Sahak Machalian, dans laquelle, tout en exprimant son soutien à Saint Etchmiadzine et à Sa Sainteté Karékine II, il conseille à ce dernier d’attendre 2026, date à laquelle il est prévu de convoquer un concile national-ecclésiastique. Les opposants aux autorités affirment « qu’entre temps, l’État arménien aura été dissous et que le patriarche Machalyan pourra être reconnu comme le chef de la communauté religieuse arménienne d’une Grande Turquie ».
Le débat qui a eu lieu à Antélias au sujet des relations entre les sièges patriarcaux de l’Église apostolique arménienne et les autorités arméniennes s’inscrirait-t-il dans un contexte géopolitique particulier ?
Curieusement, le sujet connait un « coup de chauffe » sur fond d’informations sur une possible visite du Premier ministre Pachinian à Ankara.
Quel est le message du siège d’Antélias lorsqu’il invoque les « valeurs nationales et les idéaux suprêmes communs » et quelle initiative d’unification poursuit-il ?
Répétons-le, une guerre fait rage au Moyen-Orient, dont personne ne peut prédire l’issue.
Dans ces conditions, pourquoi Antélias fait il le choix d’élargir le « périmètre du conflit » entre l’Église et les autorités arméniennes ?
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