Le 24 avril 2023, 108 ans après le génocide, cette fois, ce sont les Arméniens de l’Artsakh, qui se trouvent menacés d’épuration ethnique par les Azéris. La communauté internationale fait des déclarations, décrète des condamnations en guise de défense des droits humanitaires ! Comment commémorer quand la Grande catastrophe guette toujours ? La menace grandit de jour en jour. Pourtant, le recueillement à la mémoire des victimes est une nécessité. Il y a un besoin urgent de se déconnecter, ne serait-ce qu’un instant, de se sentir en communion avec eux. Il y a une puissance infinie dans ce lien, dans le silence. Quand bien même les discours politiques, les débats publics, les messages des réseaux sociaux ne permettent pas ce relâchement intérieur. Les souffrances des victimes sont les nôtres. Ces souffrances nous font découvrir une nouvelle écoute, une nouvelle attitude, une nouvelle compréhension de la réalité. C’est une manière de retrouver la confiance en soi. Nous libérer de la recherche du salut dans le monde extérieur. Depuis 1915, l’attitude du monde, des grandes puissances est restée toujours la même. Pendant le génocide, il n’y a pas eu d’aide militaire, et il n’y en aura pas aujourd’hui. Le monde n’a pas changé. Apparemment, nous aussi, dans notre attente !
Les Arméniens sont confrontés à un grand dilemme qui trouble leur esprit. Au cours des trente premières années de la Troisième République, auraient-ils raté l’occasion en or de trouver une solution politique à la question d’Artsakh et à la sécurité de l’Arménie ? Depuis la guerre de 44 jours, cette question les hante. Elle est à l’origine de conflits et de tensions quotidiens entre différents courants politiques en Arménie et dans la diaspora. La fracture est profonde, elle menace la sécurité nationale.
Nous sommes actuellement témoins d’un renversement de l’ordre mondial et d’une grande perturbation des relations internationales, comme lors de la période du Génocide des Arméniens. À terme, cela présente de grandes menaces pour l’existence de l’Arménie même. Le recueillement le jour de la commémoration du 24 avril devait permettre la réconciliation nationale entre différents partis opposés, en commençant, du moins, par la tolérance des uns envers les autres. La création de courants politiques opposés est naturelle tant que règne le respect de l’ordre constitutionnel, autrement, c’est la chronique d’une mort annoncée à laquelle nous serons témoins : immigrations, lutte meurtrière pour le pouvoir, perte des ressources humaines et matérielles telles qu’on a vu les trente dernières années.
Nous constatons que malgré les menaces qui pèsent sur l’existence de l’Arménie et de l’Artsakh, 108 ans après le premier génocide du siècle, la communauté internationale n’a aucune intention de punir ou de menacer l’Azerbaïdjan de quelque manière que ce soit. Jusqu’à la guerre de 2020, la lutte pour la Cause arménienne trouva son expression dans celle pour la reconnaissance du Génocide et la condamnation du négationnisme. Après la guerre de 44 jours, une nouvelle page s’est ouverte. Même la reconnaissance du Génocide par le président américain Joe Biden n’a rien changé à la position de la Turquie, n’a rien changé pour empêcher la menace d’une nouvelle extermination. Il a fait apparaître sur la scène internationale un nouveau dictateur encore plus redoutable que celui de la Turquie, qui ne cache pas son jeu, ne mâche pas ses mots. Nous le voyons à l’œuvre dans son entreprise funeste sous l’œil et en présence d’une centaine d’observateurs civils européens dépêchés sur les lieux pour éviter les confrontations et aider les deux pays à délimiter leurs frontières. Aliev a pu imposer un blocus à l’Artsakh, malgré le jugement de la Cour Internationale de Justice. Dans ces circonstances le proverbe populaire « Aide-toi, et le ciel t’aidera » est la seule solution qui soit valable.
J. Tch.