Si le contexte international s’y prêtait, nous aurions volontiers proclamé le 18 juin « journée internationale de l’humour noir ».
Pour tout français, la date du 18 juin renvoie bien évidemment au célèbre appel à la résistance du général de Gaule. Mais il m’aura fallu parcourir la presse azerbaïdjanaise pour découvrir que la date du 18 juin est dans ce pays dédiée « aux droits de l’homme ». On est naturellement prié de garder tout son sérieux à l’énoncé de cette extraordinaire nouvelle.
Cerise sur le gâteau, cette année, la capitale de cet état qui coche à toutes les cases des violations des droits de l’homme – voir le palmarès de ce pays en matière de droits des citoyens, de la presse, des minorités- et dominé depuis plus de 50 ans par une même famille, accueille un « Symposium international des médiateurs » portant sur le thème « Renforcer l’État de droit : le rôle des médiateurs et des institutions nationales des droits de l’homme » [Sic !]. Nous dirions en France, que « C’est l’Hôpital qui se moque de la Charité » !
Évoquant cet événement, l’organe de presse d’État Azertac précise que « l’événement a réuni des responsables et des représentants d’institutions de médiation et d’INDH [Institution nationale des Droits de l’Homme] d’une quinzaine de pays, de hauts fonctionnaires, des parlementaires, des représentants d’organisations internationales et d’OSCE, ainsi que des experts chevronnés en matière de droits de l’homme ». Comme souvent, aucune liste des pays ou des personnalités présentes n’est cependant publiée, ce qui en dit long sur la nature et la légitimité de cette manifestation qualifiée « d’internationale ».
Lors de sa séance inaugurale, pour respecter les bonnes habitudes du pays, le ministre azerbaïdjanais de la Justice a lu le message adressé par Ilham Aliev aux participants.
Alors que l’Azerbaïdjan ne cesse d’ajouter de nouvelles exigences vis-à- vis de l’Arménie afin de signer un traité de paix, Aliev présente dans cette lettre et de manière très explicite ses revendications territoriales : « L’un des sujets qui sera abordé lors du symposium concerne les droits des réfugiés. La question qui mérite une attention particulière dans ce domaine est la déportation forcée et le nettoyage ethnique de plusieurs centaines de milliers d’Azerbaïdjanais de l’Azerbaïdjan occidental, territoire de l’Arménie, dès le début du siècle dernier. Après ces horribles déportations, aucun Azerbaïdjanais n’est resté en Arménie, et le patrimoine historique, culturel, religieux et spirituel ancien de notre peuple sur ces territoires, y compris les monuments, les mosquées et les cimetières, a été détruit. La justice historique exige le retour pacifique et sûr de ces personnes sur leurs terres natales ».
S’est-il trouvé dans le cadre de ce symposium un seul « médiateur » pour évoquer les droits des 500 000 réfugiés arméniens chassés d’Azerbaïdjan depuis 1990, dont ceux de l’Artsakh ? Ou bien les droits des millions d’Arméniens dispersés aux quatre coins du monde après le Génocide de 1915 réalisé par leurs frères turcs ? La réponse est bien évidemment non. A Bakou, et pour Ilham Aliev, il y a « réfugiés et réfugiés ».
Une fois de plus, on ne peut que s’étonner du choix de l’Azerbaïdjan pour la tenue de ce rassemblement et s’interroger sur les motivations de ses organisateurs pour leur choix.
A moins qu’une fois de plus, conformément au proverbe turc « le payeur, commande la musique », le maitre de Bakou ait été le commanditaire et l’organisateur de ce que tout homme sensé ne peut considérer que comme une pathétique farce.
Sahak SUKIASYAN
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