Le vendredi 13 mai, lors du dîner caritatif de l’APCAF (Association pour la promotion de la culture arménienne), le premier primat du Diocèse de France de l’église apostolique arménienne, Mgr Norvan Zakarian, a évoqué dans son adresse aux 80 invités réunis au Yan’s Club l’objectif de la construction d’écoles et le travail qu’il nécessite. L’école, l’éducation, la foi, l’esprit, la langue, la créativité, la survie, la communauté, la diaspora… Autant de sujets essentiels qui sont omis dans le débat public, à l’exception de certains articles parus dans la presse et des débats au sein d’un cercle restreint d’intellectuels et de pédagogues.
Jusque dans les années 1980, il existait deux établissements d’enseignement arméniens en France : le collège mékhitariste Samuel Moorat de Sèvres et l’école Tebrotzassère du Raincy, deux structures fondées avant le génocide. L’école Tebrotzassère a déménagé de Constantinople en Grèce, puis à Marseille, avant de s’installer finalement au Raincy. Le collège Mékhitariste Samuel Moorat a, quant à lui, fermé ses portes. Mais depuis 1980, un mouvement pour la construction d’écoles arméniennes s’est développé en France, portant à huit le nombre d’écoles arméniennes dans le pays.
L’école arménienne en France n’a pas encore trouvé sa voie naturelle de développement, sa raison d’être, sa logique interne. L’apprentissage de la langue arménienne justifie-t-il à lui seul la création d’écoles privées financées par les Arméniens ? Ce qui est un phénomène naturel pour les Arméniens du Moyen-Orient – l’école arménienne, l’église, les partis, les clubs, la vie associative – n’a pas pris auprès des Arméniens de France. Même les écoles actuelles ne jouissent pas de conditions financières équilibrées, pas plus que l’enseignement de l’arménien, son programme pédagogique, son enseignement bilingue, et ses professeurs d’arménien. Il y a aussi la question du nombre d’écoles qui, avec le temps, rendra autosuffisante la pérennisation et la préparation des enseignants, des directeurs et des responsables scolaires. À ce jour, sans l’apport du Moyen-Orient, les écoles arméniennes de France restent largement dépourvues d’enseignants. Aborder ces questions est essentiel pour que les écoles arméniennes trouvent les conditions d’un développement durable et bénéficient du soutien de la communauté.
Dans son discours, Mgr Norvan Zakarian a abordé les problèmes généraux de la diaspora et certaines des questions susmentionnées dans le cadre des activités de l’APCAF. La première était la lutte existentielle de la diaspora. Cent sept ans après le génocide arménien, les conséquences de la catastrophe n’ont pas encore disparu, et la lutte existentielle pour la survie de la Diaspora continue. Il a notamment mis l’accent sur la puissance créatrice qui permet aux Arméniens de rester debout. Ce que les Jeunes-Turcs n’ont pas réussi à éliminer, c’est la capacité du peuple arménien à créer. Et il y avait des parallèles intéressants entre la langue, la créativité et l’esprit, qui nécessitent des développements plus approfondis. En un mot, la langue, c’est l’esprit. L’école est incontournable pour faire vivre la langue, qui renferme son esprit, afin de pouvoir créer.
Dans ce sens, le combat pour l’école arménienne serait une lutte existentielle pour les Arméniens. Par quels moyens et comment la diaspora arménienne d’Occident arrivera-t-elle à mettre en place les conditions pour son développement naturel ? L’APCAF, en tant qu’association de promotion de la culture arménienne, travaille actuellement à la collecte de fonds pour la construction d’écoles. Le nombre d’écoles doit être augmenté. À l’avenir, elle espère également pouvoir assurer les besoins financiers d’autres initiatives culturelles et créatives.
Une école n’est pas seulement un bâtiment : c’est un corps vivant. Elle a besoin de programmes éducatifs, d’enseignants compétents, d’un environnement porteur, et du soutien de la communauté. Heureusement, il existe des organisations arméniennes indépendantes dans la diaspora qui assument la lourde responsabilité de développer le domaine de l’éducation, comme la Fondation Calouste Gulbenkian, qui est engagée dans la promotion de méthodes innovantes d’enseignement de la langue arménienne, et dans la formation de nouveaux enseignants. Elle s’est aussi engagée à promouvoir le travail littéraire et créatif, à soutenir la mise en place de programmes numériques modernes, ainsi qu’à promouvoir une presse arménienne libre en diaspora. Autant de leviers importants pour maintenir vivante la langue et la culture arméniennes.
J. Tch.