L’Artsakh sous les projecteurs

Les 13 et 16 avril, deux événements publics importants ont eu lieu autour de l’Artsakh. Le premier était une conférence organisé par l’Université de la Sorbonne, intitulé «Le blocus dans le Haut Karabagh» . Et le second, nommé «Du droit à l’autodétermination du peuple du Haut-Karabagh à la reconnaissance de l’Etat d’Artsakh», organisé par le Comité Armen Garo de la FRA et le Nor Seround. A signaler également une exposition publique inédite des photos d’Alexis Pazoumian, consacrée à l’Artsakh, appelée «Le Jardin noir», au jardin de la tour Saint-Jacques à Paris. Elle durera jusqu’au 8 mai, à l’initiative de la Municipalité de Paris, avec le soutien de plusieurs associations arméniennes. 

La conférence de l’Université de la Sorbonne a abordé le blocus de l’Artsakh sous trois angles : géopolitique, humanitaire et juridique. Ils devaient éclairer la question «La force prime-t-elle sur le droit ?». La réponse est, sans aucun doute, affirmative. «Oui, la force l’emporte», compte tenu des rapports de force politique à l’international. Mais il y a aussi une autre question connexe : les intérêts stratégiques et les alliances des grandes puissances, priment-ils sur la loi ? Sans aucun doute, la réponse est aussi certainement «oui». Étant donné l’attaque contre le territoire souverain d’Arménie et la non-application du verdict de la Cour internationale de justice. La question de Tigran Yegavian était appropriée : quelle est la valeur de la reconnaissance du génocide arménien par une trentaine d’États, alors que la menace d’un nouveau génocide contre les Arméniens peut être évitée en Artsakh ? Le questionnement est pertinent non seulement dans le domaine des relations internationales, mais aussi dans la politique intérieure de l’Arménie. Les 30 années d’indépendance ont révélé une situation politique douloureuse et honteuse, où, sous couvert d’une république démocratique, la violation de la loi, l’injustice, la corruption et la violence étaient le mode normal de gouvernance. Alors même que les États de droit utilisent la force pour faire respecter la loi. Ce n’est que depuis la révolution de velours que l’Arménie a enregistré des progrès sur ce terrain. 

Le 16 avril, le thème de la table ronde organisée par le Comité Armen Garo de la FRA et le Nor Seround, «Du droit à l’autodétermination du peuple du Haut-Karabagh à la reconnaissance de l’Etat d’Artsakh», pointait une grande tragédie affectant le peuple arménien. Problème : cette formulation est dénuée de sens, car l’Artsakh a exercé son droit à l’autodétermination il y a 30 ans et a choisi l’indépendance. L’indépendance n’a pas d’alternative pour le peuple d’Artsakh. La véritable question, aujourd’hui, est de savoir quel type de résistance existe-t-il face à la menace d’épuration ethnique des Azéris et d’une défense russe édentée ? Quelles solutions proposent la FRA et les analystes internationaux ? 

Pour l’éditorialiste international Christian Makarian, le Karabakh n’est ni arménien, ni azéri, mais russe, surtout suite à l’accord de 9 novembre 2020. Cependant, la guerre ukrainienne a empêché la Russie de rester maître de l’Artsakh. Toujours selon Makarian, la guerre des 44 jours aurait dû servir de leçon pour la Russie, dans le sens où la défaite de l’armée arménienne était aussi l’échec de l’armée russe, la doctrine militaire étant identique. Aujourd’hui, l’incertitude règne. Le résultat final du statut de l’Artsakh est lié à l’issue de la guerre russo-ukrainienne. Pour Makarian, les Arméniens et les Azéris sont incapables de déterminer le statut de l’Artsakh sans l’intervention d’un tiers. 

La position du rédacteur en chef adjoint du Figaro Magazine, Jean-Christophe Buisson, est elle beaucoup plus pragmatique. L’intention des Azéris étant de dépeupler l’Artsakh : les attaques armées, le blocus, rendent les conditions de vie des habitants artsakhiotes intolérables. Elles visent à les chasser de la région volontairement ou par la force. La seule solution est qu’après l’ouverture du corridor de Latchine, au lieu que le peuple quitte l’Artsakh, les Arméniens devraient marcher et s’installer en Artsakh, pour résister aux Azéris de manière plus forte. Pour Buisson, l’Artsakh est la forteresse défensive de l’Arménie ; s’il est détruit, l’Arménie sera également détruite. 

Mourad Papazian, l’un des deux membres franco-arméniens du Bureau mondial de la FRA, pense lui que le coupable est l’État arménien, qui n’a pas rempli son rôle de protecteur de l’Artsakh. Hovsep Der Kevorkian, sans trahir la ligne politique anti-pachinienne de la FRA, a enfin mentionné que l’Arménie devrait s’appuyer sur ses propres forces, renforcer l’armée, créer une armée populaire.

Il est intéressant de constater que l’écrasante majorité des participants à ces deux rencontres publiques étaient des Arméniens. Qu’autant le danger de nettoyage ethnique encouru par le peuple d’Artsakh est grand et réel, autant l’indifférence de la communauté internationale à l’égard du sort des habitants d’Artsakh l’est aussi. Qu’il n’y a pas de pays tiers pour aider l’Arménie et l’Artsakh. Que le peuple arménien doit se prendre en charge lui-même, cependant, la lutte existentielle n’a pas la force pour que les forces politiques se rassemblent, mettent de côté leurs différends et luttent ensemble contre le danger créé. Cela aurait pu être la mission et  l’orientation politique de la FRA, compte tenu de son histoire et de sa présence dans la Diaspora, en Arménie et en Artsakh.

J. Tch.