L’homme d’affaires Samuel Karapetian condamné à deux mois de prison

Le 18 juin au soir, le tribunal d’Erevan a condamné Samuel Karapetian, homme d’affaires et philanthrope russo-arménien, à deux mois d’emprisonnement. Cette décision intervient dans un contexte de tensions croissantes entre le gouvernement de Nikol Pachinian et l’Église apostolique arménienne.

Samuel Karapetian est poursuivi pour « appel public visant à s’emparer du pouvoir par des moyens non prévus par la Constitution ». Ces charges font suite à ses déclarations du 17 juin dans une interview accordée à News.am, où il déclarait : « J’ai toujours été aux côtés de l’Église arménienne et du peuple arménien. Si les acteurs politiques n’y parviennent pas, alors nous interviendrons à notre manière contre la campagne menée contre l’Église. »

Des citoyens rassemblés devant le tribunal en soutien à Samuel Karapetian

Un message de résistance depuis la détention

Par l’intermédiaire de son avocat, Samuel Karapetian a fait lire un message aux citoyens rassemblés devant le tribunal :

« Chers compatriotes, j’exprime ma profonde gratitude pour votre présence à mes côtés et à celui de ma famille ces jours-ci et pour votre soutien. Malheureusement, le tribunal a donné un mauvais exemple à notre nation qui vit dans l’espoir d’avoir un pays de droit et de justice. Il a prouvé qu’il n’est pas encore capable d’agir de manière indépendante, au nom de la justice et sans instructions.

Au cours de ma vie, parallèlement aux succès, j’ai aussi connu de nombreuses difficultés, mais je n’ai jamais baissé les bras. Par une détention illégale, par une accusation fabriquée, ils ne peuvent pas me briser, me détourner des principes que j’ai adoptés. Je serai toujours aux côtés de mon peuple, de la Sainte Église apostolique arménienne, je n’ai pas ménagé et ne ménagerai pas mes efforts  pour améliorer la vie de ma patrie et de l’arménité, pour construire un avenir prospère et sûr. Ne nous divisons pas ; unissons la nation ! Restez forts,  notre victoire est inéluctable. En avant avec Dieu ».

La nationalisation du réseau électrique : un enjeu économique et politique

Le même jour, Nikol Pachinian annonçait sur Facebook la nécessité absolue de nationaliser les Réseaux d’électricité d’Arménie (REA), propriété du groupe « Tashir » de Samuel Karapetian : « Le propriétaire légitime du réseau électrique est le peuple, car tous sont soit consommateurs, soit employés. Ce processus aura lieu rapidement. »

Historique du secteur électrique arménien

Les Réseaux électriques d’Arménie  ont été privatisés en 2002 sous la présidence de Robert Kocharian. Vendus pour 37 millions de dollars à la société offshore Midland Resources Holding LTD, l’État n’avait finalement perçu que 12,15 millions de dollars après déduction des dettes.

En 2015, lors des manifestations contre l’augmentation des tarifs électriques, Samuel Karapetian avait racheté l’entreprise, s’engageant à absorber les hausses tarifaires pendant un an conjointement avec le gouvernement et à rembourser 220 millions de dollars de dettes accumulées.

Tensions diplomatiques russo-arméniennes

Cette affaire s’inscrit dans un contexte de dégradation des relations arméno-russes. Le ministre des Affaires étrangères arménien Ararat Mirzoyan a dénoncé devant le parlement « des appels inacceptables, des évaluations déformées et des insultes » diffusés sur les chaînes russes contre le gouvernement arménien, qualifiant ces actes d’« ingérence manifeste dans les affaires intérieures » et d’« atteinte à la souveraineté ».

En réponse, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a souligné les contradictions entre les promesses passées de Pachinian d’attirer les investisseurs internationaux et ses actions actuelles contre les hommes d’affaires russes.

La position de l’Église

Le même jour, le Saint-Siège de Sainte-Etchmiadzine a publié la déclaration suivante :

« Nous venons d’apprendre que le tribunal pénal de juridiction générale de la ville d’Erevan, cédant manifestement aux pressions flagrantes du pouvoir, a décidé d’appliquer la détention à l’égard du philanthrope national Monsieur Samuel Karapetian.

La persécution menée contre Monsieur Samuel Karapetian est la énième manifestation des actions anti-ecclésiastiques du Premier ministre, visant à priver l’Église arménienne, par l’usage de la peur et des menaces, du soutien de ses fidèles.

En condamnant sévèrement ce comportement honteux, nous l’évaluons comme un coup porté tant au crédit et à l’autorité de la République d’Arménie qu’à l’Église arménienne.

Nous exprimons notre soutien total à Monsieur Samuel Karapetian et à sa famille, en sollicitant l’aide et la protection du Seigneur pour eux ».