Exprimer sa solidarité avec l’Arménie est un acte politique important dans la conjoncture actuelle. Comme les appels à libérer l’Artsakh du blocus le sont. Bien que ces appels ne soient pas des moyens efficaces pour changer la position belliqueuse de l’Azerbaïdjan… Lorsque la parole reste vaine, il est naturel que des mesures plus strictes soient prises. Mais elles ne le sont pas. Qu’est-ce qui les entravent ? Les intérêts stratégiques des grandes puissances.
La visite de la Présidente de l’Assemblée nationale française, Yaël Braun-Pivet, en Arménie, était l’expression concrète de solidarité avec l’Arménie. Et, vu les votes à l’unanimité des résolutions des deux chambres du Parlement français, condamnant les attaques azéries et exigeant des interventions concrètes du gouvernement français, qu’avait-elle à dire de plus ? Il y avait l’attente d’une certaine nouveauté.
Quatre mois auparavant, en tant que présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, la visite de Nancy Pelosi, qui a suivi l’offensive azérie du 13 septembre, a été un signal puissant adressé à l’Azerbaïdjan et un message politique important à la classe politique arménienne, pour contrebalancer la domination de la Russie dans la région. Bien que la visite de Pelosi ait suscité de grands espoirs parmi le public arménien, elle n’a pas provoqué de changements majeurs sur le fond. Au contraire, il est décevant de voir que les recommandations du Département d’État américain soient restées sans conséquence. L’Azerbaïdjan campe toujours sur ses positions. La propagande anti-arménienne et les déclarations belliqueuses sont courantes. Les incidents frontaliers continuent également, même si moins intenses. Aucune mesure n’est prise pour relâcher les prisonniers de la guerre de 2020. Aucune enquête n’est réalisée pour révéler les crimes de guerre. De plus, l’Azerbaïdjan est reconnue comme un partenaire stratégique des États-Unis et, à ce titre, elle reçoit plus de subvention annuelle que l’Arménie. La Commission européenne accepte enfin aussi Aliev omme un partenaire fiable…
La visite de Braun-Pivet en Arménie s’est déroulée lors du blocus de l’Artsakh. Mais contre toute attente, la Présidente a surpris les Arméniens par ses déclarations, qui contredisaient les dispositions des résolutions du Parlement français. Elle a mis l’accent sur l’utilisation des possibilités de dialogue et a exclu toute possibilité de reconnaissance de la République d’Artsakh, l’estimant comme une partie de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, selon le droit international.
Aussi désobligeant que puissent être ces mots à entendre pour le public arménien, la vérité nue a plus de valeur que le faux-semblant qui plaît aux oreilles. Les autorités arméniennes annonçaient depuis longtemps la demande de la communauté internationale de baisser le niveau des exigences de l’Arménie envers l’Artsakh. Aujourd’hui, ces déclarations ont été entendues de la bouche de la Présidente du Parlement français. C’était un choc pour une partie importante des Arméniens qui considèrent la France comme l’ami le plus proche de l’Arménie.
Malgré cela, il faut dire que la visite de Yaël Braun-Pivet a eu lieu après l’échec de deux initiatives françaises. D’abord, la réunion à quatre de Bruxelles du 7 décembre, puis le blocage de la proposition, à l’initiative de la France, de la déclaration du président du Conseil de sécurité de l’ONU. Affirmant haut et fort le principe de respect du droit international, acceptant le principe de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, la partie française veut reprendre son rôle de médiateur et forcer le déploiement d’un groupe de sur-
veillance civile de l’Union européenne à la frontière de l’Arménie. Son but ? Empêcher le déclenchement d’une nouvelle guerre à grande échelle par l’Azerbaïdjan. Cette étape semble être la seule option possible pour parvenir en aide à l’Arménie, compte tenu de la présence militaire russe en Artsakh et en Arménie.
J. Tch.