Résilience et diplomatie

Mardi 10 janvier, après une longue absence due aux conséquences de la guerre de 44 jours, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a donné sa première grande conférence de presse très attendue par les journalistes, au cours de laquelle il a fait une annonce inattendue au sujet des exercices militaires de « l’Organisation du traité de sécurité collective » (OTSC) qui allaient se tenir en Arménie en 2023 : « Le ministre de la Défense de la République d’Arménie a déjà informé la commandement général de l’OTSC, que Erevan ne juge pas opportun de mener les exercices militaires dans les circonstances actuelles. Et ces exercices n’auront pas lieu en Arménie, en tout cas, cette année. »

Il s’agit du deuxième rejet d’une offre de l’OTSC et de son principal parrain, la Russie, par les autorités arméniennes suite aux agressions azéries à la frontière de l’Arménie en septembre 2022, et suite au refus de la demande d’assistance faite, le 12 décembre, par l’Arménie, à l’OTSC. Ce rejet est conditionné par l’attitude des casques bleus russes, qui ne garantissent plus l’application du 6e point de la déclaration tripartite du 9 novembre, stipulant l’accès libre du corridor de Latchine sous l’autorité des forces d’interposition russes. Rappelons qu’en novembre 2022, pour la première fois, l’Arménie avait refusé de signer la déclaration finale du sommet de l’OTSC.

Parallèlement, le 10 janvier, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, ainsi que les chefs du Conseil européen et de la Commission européenne, Charles Michel et Ursula von der Leyen, ont signé la troisième déclaration conjointe de coopération, au cours de laquelle ils se sont réjouis de l’adhésion de deux nouveaux membres à l’Alliance atlantique. Cette coïncidence est à souligner. D’un côté, l’OTAN, qui s’agrandit et recueille des demandes d’adhésion de plus en plus nombreuses, et de l’autre, l’échec de l’OTSC, qui manque à son devoir envers l’Arménie et qui ne suscite aucun intérêt pour une adhésion des pays voisins.

Pour l’instant, il n’est pas question pour l’Arménie de se retirer de l’OTSC, bien que ce soit le souhait de certains partis de l’opposition arménienne. Problème, dans les faits, la détérioration des relations avec l’OTSC ne fournit à l’Arménie aucune opportunité d’obtenir un soutien plus conséquent de l’Occident et/ou de l’OTAN dans son différend avec l’Azerbaïdjan. C’est le mystère de la fatale solitude de l’Arménie. Que ce soit l’OTAN ou l’OTSC, les deux alliances militaires considèrent l’Azerbaïdjan dictatorial comme leur partenaire stratégique, et l’Arménie, qui embrasse de plus en plus les valeurs démocratiques, comme un partenaire de second rang. Pour les deux alliances militaires, le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan est un moyen de consolider leur puissance dans la région. Et pour les USA, comme pour l’Occident, l’Arménie et l’Artsakh sont un moyen de lutter contre la Russie et l’Iran. Pour la Russie, enfin, la guerre au Caucase du Sud sert à affermir sa présence dans la région. 

Il est désolant de voir que l’isolement d’une population de 120.000 personnes, via la fermeture de la route reliant l’Artsakh à l’Arménie par des activistes « écologistes », au nez et à la barbe des casques bleus russes, n’a suscité qu’une simple condamnation verbale. Les forces azerbaïdjanaises gardent la route fermée sans s’inquiéter. En clair, l’Azerbaïdjan se sent soutenu par la communauté internationale. L’Artsakh et l’Arménie sont seules à résister. L’Artsakh a refusé d’autoriser la demande des « écologistes » azerbaïdjanais à visiter ses mines. Il a répondu qu’il était prêt à une expertise internationale des mines afin de déterminer les conditions d’exploitation et d’évaluer les risques environnementaux. L’Arménie, elle, n’entend pas céder à l’attitude capricieuse de son allié Russe et exige la mise en œuvre du 6e point de la déclaration du 9 novembre, qui garantit la protection des casques bleus russes dans le corridor de Latchine. 

Dans ces conditions, Pachinian a réitéré la position du gouvernement arménien lors de sa conférence de presse : « Nous pensons que notre voie d’action doit être diplomatique, c’est-à-dire exercer autant de pression internationale que possible sur l’ouverture du corridor de Latchine. »

J. Tch.