Depuis l’élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis, le dialogue stratégique américano-arménien s’est intensifié. La reconnaissance du génocide des Arméniens a été suivie par la participation du Premier Ministre Nikol Pachinian au Forum de la démocratie organisé par le Président Biden. Et le 2 mai, le secrétaire d’État, Anthony Blinken, a invité le ministre arménien des Affaires étrangères, Ararat Mirzoyan, à de nouvelles discussions sur le développement du dialogue stratégique américano-arménien.
Dans le même temps, le 17 avril, Nikol Pachinian s’est rendu à Moscou pour une visite d’État. A cette occasion, il a signé un accord stratégique en trente points avec Poutine, qui met en avant le rôle clé de la Russie dans le règlement du conflit d’Artsakh.
Sur fond de relations diplomatiques, un nouvel acteur a fait son apparition aux côtés des trois pays qui co-président le groupe de Minsk : Charles Michel, le président du Conseil européen, qui mène des négociations actives avec les dirigeants arménien et azerbaïdjanais. L’UE est un allié économique important qui a récemment initié un programme d’investissement de 2,6 milliards d’euros en Arménie. La guerre en Ukraine a réveillé l’implication de l’Occident dans le règlement du conflit d’Artsakh, venant rééquilibrer la domination russe et turque sur la région. Et l’Arménie essaie tant bien que mal de se frayer un chemin au milieu de cette crise internationale, en essayant de ne pas faire d’erreurs – et surtout de ne pas contrarier Poutine – et de régler les problèmes non résolus depuis trente ans d’indépendance et la défaite dans la guerre de 2020.
Cependant, l’Occident a également imposé la mise en œuvre de son programme – la normalisation des relations Arménie-Azerbaïdjan, Arménie-Turquie – sous ses auspices. La pénétration de l’Occident dans la région n’est naturellement pas du goût de la Russie, qui comptait éliminer une fois pour toutes l’influence occidentale dans le Caucase du Sud avec le plan Lavrov. Et il n’est pas surprenant que l’agenda occidental ait enflammé la vie politique interne de l’Arménie. L’opposition parlementaire a quitté les bancs de l’Assemblée nationale pour la rue et appelle à la désobéissance civile. Des manifestations ont lieu tous les jours. Et on entend de nouveau les jurons obscènes et les accusations inappropriées prononcés par les responsables de l’opposition au lendemain de la guerre de 44 jours. Des slogans dépourvus de contenu politique, sans perspectives et sans agenda, dont le seul but, en violation de l’ordre démocratique, est de chasser par la force le Premier ministre et de ramener l’ancien régime au pouvoir. Mais le peuple a d’ores et déjà rejeté cette solution lors des élections législatives de 2021.
Il est regrettable que l’opposition parlementaire refuse de mener un débat national sur l’avenir de l’Arménie. La rue seule ne peut mener qu’à une impasse. C’est une voie sans issue, porteuse de conséquences extrêmement dangereuses.
Depuis l’indépendance, l’émigration est la plus grande menace pour l’Arménie. Mais l’offensive de la Russie contre l’Ukraine est en train de changer cette donne. Voyager et s’installer en Russie n’est plus aussi favorable pour les Arméniens. Le flux d’émigration est fortement retombé et à contrario, l’afflux d’Arméniens de Russie et d’Ukraine en Arménie a augmenté. Sur le plan économique, l’investissement des hommes d’affaires russes et arméniens est important. Selon le service de sécurité ukrainien, la Russie tente de contourner les sanctions occidentales et le blocus économique en passant par l’Arménie et les autres pays du Caucase. Cet état de fait a des conséquences positives pour l’Arménie, bien que les économistes prédisent que les sanctions contre la Russie auront des conséquences négatives pour l’Arménie et l’économie internationale de manière plus générale.
J. Tch.