Astghik Khanamiryan rayonne en Tosca 

Crédit photo © Pavel Tsvetkov

à l’Aalto Theater d’Essen

Giacomo Puccini : Tosca

Théâtre Aalto Essen, 22.02.2025

Direction musicale : Andrea Sanguineti

Mise en scène : Christine Mielitz

Chœur de l’Opéra du Théâtre Aalto d’Essen, Orchestre Philharmonique d’Essen

Pendant de longues décennies, la région de la Ruhr a été considérée comme le cœur industriel de l’Allemagne. Cette ère de la Ruhr, en tant que région de l’industrie du charbon et de l’acier a pris fin en 2018 avec la fermeture de la dernière mine de houille. Plus récemment, la région s’est développée en un riche paysage culturel avec des universités, des musées ainsi que de nombreux théâtres, salles de concert et opéras. Parmi ces derniers, on trouve le célèbre théâtre Aalto d’Essen, construit en 1988 d’après les plans du célèbre architecte finlandais Alvar Aalto, datant de 1959. 

Depuis la saison 2023/2024, la soprano Astghik Khanamiryan, née à Erevan et formée à Erevan, Moscou et Vienne, fait partie de l’ensemble de cet opéra. Elle y a déjà interprété les rôles de Lady Macbeth («Macbeth») et d’Aida. Cette saison, elle interprète Abigaille («Nabucco»), Leonora («La forza del destino») et endosse le rôle principal de «Tosca» de Puccini.

La «Tosca», ce mélange sombre et ardent de drame féminin, d’intrigue policière et triangulaire d’amour, de pouvoir et d’abus de pouvoir, est aujourd’hui – malheureusement – plus actuel que jamais, à l’époque des dirigeants politiques sans scrupules qui se vendent comme démocrates, de Poutine à Trump. Dans la reprise de la mise en scène intemporelle et extrêmement intense de Christine Mielitz de «Tosca» à l’Aalto-Theater d’Essen, Astghik Khanamiryan est totalement convaincante, tant sur le plan vocal que théâtral. Avec une présence scénique extraordinaire, Khanamiryan montre une Tosca sûre d’elle-même et consciente, qui n’est pas dupe des intrigues de Scarpia et de ses hommes de main. Elle dresse avec conviction le portrait d’un personnage psychologiquement complexe : sa Tosca n’est ni une starlette naïve et rêveuse, ni une prima donna détachée du monde, mais une femme forte brisée dans un monde d’hommes corrompus qui limite son espace d’action – et qui pourtant ne se soumet pas au pouvoir ni recourt à la violence. 

Ce portrait de rôle trouve son accomplissement dans l’époustouflante puissance vocale avec laquelle Khanamiryan anime ce personnage : avec un timbre chaud, une voix puissante mais jamais forcée, elle interprète cette partie dans ses débuts de rôle avec une belle tonalité et une intonation sûre, une compréhension exemplaire du texte, une précision de mesure constante et pourtant dynamique, avec des rubati merveilleusement chantés, des changements de registre nets et des aigus extrêmement clairs qui ne paraissent jamais fatigués. La conduite de la voix dans le fameux «Vissi d’arte», tant redouté par les chanteuses, est sans faille, on n’entend aucun souffle. Sa voix plane sans effort au-dessus de l’orchestre, que le directeur musical d’Essen, Andrea Sanguineti, pousse par moments un peu trop loin dans le fortissimo. 

C’est une excellente Tosca qui est sur scène à l’Aalto d’Essen avec une excellente Astghik Khanamiryan, qui peut sans peine s’imposer aux côtés des grandes créatrices de ce rôle. 

M. D. 

Bochum