Proposition de résolution demandant la libération des prisonniers arméniens détenus par l’Azerbaïdjan, n° 1015, déposée le jeudi 27 février 2025, présentée par M. Laurent WAUQUIEZ, député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 17 janvier 2025, dans une quasi‑totale indifférence internationale s’est ouvert à Bakou, devant un tribunal militaire, le procès politique de 16 prisonniers arméniens.
Parmi ces 16 prévenus se trouvent huit anciens dirigeants de haut niveau de l’ex‑République de l’Artsakh. Trois ex‑présidents : Arayik Haroutiounian, chef d’État de 2020 à 2023 ; Arkadi Ghoukassian, président de 1997 à 2007, et Bako Sahakian, qui a occupé ce poste de 2007 à 2020.
Le dernier chef du Parlement, Davit Ichkhanian, est lui aussi poursuivi, ainsi que David Babayan, ancien ministre des affaires étrangères et conseiller du président ; le général Davit Manoukian ; l’ex‑ministre de la défense (2015‑2018) Levon Mnatsakanian ; et le banquier d’affaires, mécène et philanthrope Ruben Vardanian, éphémère ministre d’État (de novembre 2022 à février 2023).
La plupart ont été arrêtés en septembre 2023, lorsque les forces azerbaïdjanaises ont pris le contrôle total d’Artsakh à l’issue d’une offensive éclair qui a jeté sur les routes de l’exode vers l’Arménie, la majeure partie de la population arménienne de l’enclave, soit plus de 100 000 personnes.
En novembre 2023, l’Arménie avait annoncé qu’en tout 55 de ses citoyens étaient retenus comme prisonniers de guerre par Bakou : six civils, 41 militaires et 8 dirigeants de la République d’Artsakh.
Mercredi 13 décembre 2023, dans le cadre de la reprise de négociations diplomatiques les deux pays ont procédé à des échanges de prisonniers : l’Arménie a libéré deux militaires azerbaïdjanais tandis que l’Azerbaïdjan a libéré 32 prisonniers de guerre arméniens.
À ce jour, il reste donc 23 prisonniers arméniens dans les geôles de Bakou. 7 d’entre eux ont d’ores et déjà été condamnés à des lourdes peines ‑ entre 15 et 20 ans ‑ de prison.
Les 16 prisonniers actuellement jugés comparaissent sur la base d’accusations de « terrorisme », « séparatisme », « crimes de guerre », « crimes contre l’humanité » ou « crimes contre l’Azerbaïdjan » « esclavage » « disparition forcée de personne » et risquent pour la plupart d’entre eux des peines de prison extrêmement longues, voire la prison à vie.
Ce qui se joue actuellement avec le procès de ces prisonniers arméniens participe à la volonté de l’Azerbaïdjan de mener une politique systématique de négation de l’existence de l’Arménie. Elle est un prolongement de la politique d’éradication de la population arménienne en République d’Artsakh et sur l’ensemble des territoires contrôlés par l’Azerbaïdjan au même titre que la destruction systématique du patrimoine historique, culturel et religieux.
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PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Rappelant que ces personnes sont retenues prisonnières du seul fait qu’elles sont arméniennes ou ont occupé des fonctions au sein de la République d’Artsakh ;
Considérant que ces prisonniers sont des otages d’État dont l’avenir est conditionné par le chantage et les transactions politiques et territoriales ;
Considérant qu’elles sont aujourd’hui jugées sur des bases d’accusations non fondées voire fabriquées de toutes pièces ;
Constatant que leurs conditions d’incarcération ne leur permettent pas de communiquer avec leurs proches en dehors de quelques appels via la Croix‑Rouge internationale ;
Considérant qu’un recours a été déposé par l’avocat d’un des prévenus auprès de la rapporteure spéciale des Nations unies sur la torture pour dénoncer les mauvais traitements dont il fait l’objet qui sont « autant de tortures, actes cruels, inhumains et dégradants » ;
Constatant qu’ils sont jugés par un tribunal militaire alors que la plupart des prévenus n’ont jamais revêtu le moindre uniforme ;
Constatant que les premières audiences préliminaires ont été tenues dans le secret au nom de la sécurité nationale ;
Considérant que le procès, même s’il ne se tient pas à huis clos, est interdit aux observateurs internationaux, aux organisations non gouvernementales ou aux médias étrangers ;
Considérant que les avocats des prévenus n’ont eu accès aux dossiers d’instruction qu’une semaine avant l’ouverture du procès et que les avocats étrangers ne sont pas autorisés sur le sol azerbaïdjanais et n’ont donc pas accès à leurs clients ;
Constatant que les dossiers à charge sont en azerbaïdjanais ou en russe et traduits oralement aux accusés ;
Rappelant que l’impartialité et le manque d’indépendance du système judiciaire azéri sont dénoncées par les organisations non gouvernementales depuis de nombreuses années et qu’elles soulignent « l’emprise totale du régime sur le pouvoir judiciaire » ;
1. Rappelle son soutien aux populations arméniennes d’Artsakh chassées de force de leur terre millénaire ;
2. Rappelle que le respect du droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes doit s’appliquer aux populations arméniennes d’Artsakh et qu’il est du devoir de la communauté internationale d’exiger de l’Azerbaïdjan de tout mettre en œuvre pour garantir le droit au retour des populations arméniennes en Artsakh dans des conditions garantissant leur sécurité ;
3. Condamne l’emprisonnement et le procès arbitraires des responsables politiques de la République d’Artsakh et demande leur libération immédiate et sans conditions ;
4. Invite le Gouvernement à exiger de la République d’Azerbaïdjan, la libération sans délais, des prisonniers arméniens qu’elle détient.
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